L’Homme est un animal qui porte au cœur de sa nature profonde une volonté de puissance irréductible.
Si l’Homo est devenu Sapiens, ce n’est pas parce qu’il est sage, comme les Dieux-les-Bons-Pères que l’on s’invente. Il est devenu Sapiens pour avoir la puissance de mieux saisir le monde afin de le mettre sous contrôle : de le mettre d’une part sous le contrôle de notre Raison qui a le pouvoir de poser des limites à nos illusions et à nos préjugés et d’autre part de le mettre sous le contrôle de nos sciences, de nos techniques, de nos arts et de nos moyens pour mieux plier la nature et les autres à nos désirs et nos besoins. Nous sommes devenus intelligents pour nourrir ces deux désirs de puissance : avoir du contrôle sur soi et avoir du contrôle sur le monde.
Et dans le monde, il y a les autres qui veulent se satisfaire de nous. Le problème qui jaillit avec notre propension à la puissance, c’est qu’en tant qu’individu nous devons subir le pouvoir des autres sur nous-même. Les autres qui nous forcent, qui nous séduisent, qui nous trompent mais aussi subir l’injustice terrible d’un pouvoir relatif et limité où il y a toujours un plus fort, un plus séduisant, un plus intelligent que nous. Nous sommes addicts au pouvoir qui agit comme une drogue puissante sur nous . Ce qui est terrible, c’est que la grande majorité des habitants de cette planète peuple les fanges de l’humanité des classes les plus contraintes, des plus travaillés et bouffés par des carences profondes en pouvoir (que l’on subit encore plus quand on est femme).
Dans les classes populaires, on manque de fric pour vivre, pour jouir et se réjouir, pour apprendre. On manque d’outillages intellectuels qui permettent l’émancipation individuelle et collective. On manque d’outillages relationnels où on s’accouple par illusions, on s’assemble par ressemblance à une paterne familiale dysfonctionnelle.
Nous sommes devenus intelligents pour nourrir ces deux désirs de puissance : avoir du contrôle sur soi et avoir du contrôle sur le monde. Et au cœur de cela il y a un second dilemme qui apparaît : lorsqu’on se shoote avec une dose de pouvoir trop importante, on peu perdre pied et devenir encore plus addict et se réduire en esclave-prisonnier de notre propre ambition. Le pouvoir individuel a besoin du pouvoir intérieur de l’esprit pour agir avec sagesse pour soi et pour les autres, ces « autres », qui lorsqu’ils conspirent peuvent aussi nous nuire voire nous renverser.
Dans le cas inverse, où nous sommes en carence de pouvoir, certains individus ont tendance à se reposer excessivement sur la force de l’esprit qui aide à mieux accepter les limites et ainsi mieux vivre une vie contrariée. Mais le fatalisme acceptatoire qui donne le pouvoir de se satisfaire de peu ou le cynisme narcissique qui donne le pouvoir de gonfler son peu de pouvoir, entretiennent le statu quo par des formes de loyauté aux familles de meilleures origines et aux individus les mieux dotés génétiquement qui se gavent sur le dos des classes dominées. Lorsque la volonté de pouvoir intérieur prédomine sur la volonté de pouvoir extérieur, il y a derrière cela une forme de lâcheté (née des violences qui nous ont cassées) qui condamne notre espèce au déséquilibre.
Et pour ceux qui n’ont pas eu les moyens du pouvoir extérieur, ni les moyens du pouvoir intérieur, ils se contentent souvent de suçoter le peu de compensation psychique qu’offre une vie d’illusions où il y a des Dieux et des Aux-delà qui donnent de l’espoir, qui entretien lui aussi le statu quo dans l’ici et maintenant sur terre.
Existentiellement, le pouvoir est Tout pour l’Homme. On régule le pouvoir qu’avec du pouvoir. Les éléments régulant le pouvoir sont uniquement les contres-pouvoirs, pas l’amour, la compassion ou la culture, qui sont les conséquences d’un pouvoir mieux distribué. Par exemple, l’amour est la conséquence d’un milieu suffisamment exempt d’injustices et suffisamment propice au développement personnel.
Si je me bats pour un monde plus juste, c’est parce que j’ai eu la chance de pouvoir me hisser et être hissé vers l’amour d’un monde où il ferait bon naître et bon mourir. Et c’est via cela que j’ai le sentiment de donner le plus de sens et d’intelligence à mon pouvoir en sursis.
Mais il faut faire avec… Pas d’humanité de rechange.
J’aimeJ’aime
Et pas de monde de rechange non plus 🙂
J’aimeJ’aime