Une histoire de famille – Nouvelle – Fin

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Depuis la rencontre d’il y a 3 ans, on a traversé bien des aventures Safae et moi. Et au fond ce qui nous a fait tenir, c’est deux choses : de la tendresse et de la déconstruction. Un fond de tendresse partagé qui vibre à la même fréquence et qui semble impérissable et une forte capacité de déconstruction psychique des normes sociales mal vivables. Quand on a ça, quand juste être avec cette personne nous fais nous sentir bien sans avoir à devoir agir, s’agiter ou se stimuler, on a là à jouir d’un bel amour. Et quand cette personne et nous même pouvons jouir de toute notre liberté affective, amoureuse et sexuelle sans subir de frustrations, d’attentes ou d’imaginaires négatifs, alors l’amour devient une douce aventure sincère, excitante et respectueuse. Notre relation nous aura entrainé dans une thérapie amoureuse continue qui reprogramme nos corps à aimer et à jouir et à ne plus accaparer ou subir. Nous avons appris à désillusionner l’amour de ce qu’il n’est pas (la peur de le perdre) et ainsi de pouvoir le vivre pleinement.

On a appris ensemble à s’aimer affectivement, sexuellement et amicalement. Et c’est dans cette amicalité que s’exerce toute la puissance de notre liberté et de notre amour. Nous sommes confidents, on peut tout se dire.

– Alors chérie, s’était bien ton weekend avec Paul et Vanessa ?

– Oui, c’était génial ! Et trop contente de te retrouver toi. Safae enlaça Fabien énergiquement et tendit ses lèvres dans une expression pleine de tendresse et de désir, de don de soi aussi.

– Hmm, c’est bon de te retrouver toi. Alors ce petit voyage à la mer en trouple, vous vous êtes fait kiffer ?

– Je dois dire que oui, avec Paul on a enfin trouvé l’alchimie triangulaire.

– Ah oui la fameuse quadrature du cercle dont tu parlais.

– Oui, un couple d’amoureux comme nous, c’est simple, des atomes, des expériences partagées et des sentiments crochus et hop ça fait un lien, une connexion qui a envie de se nourrir l’un de l’autre et qui en la nourrissant devient une propre créature1 avec son histoire, sa manière d’être à elle et d’être aux autres, un couple dans toute sa création.

– Oui je l’aime bien notre créature-couple, j’aime comment elle vibre et ce qu’elle dégage parmi les autres, ça serait dommage qu’on la tranche.

– Oui on n’est pas lien-d’amour-cidaires. On laissera juste la mort d’un de nous lui mettre une fin narrative à notre couple.

– C’est fou d’avoir une relation qui semble aussi inaliénable, c’est beau que ça puisse exister quand même.

– Carrément petit chéri, notre créature est de l’ordre du sublime et du quasi-impossible. On est des architectes amoureux des plus fous aha. En fait ce qu’on a essayé de faire avec Vanessa, toi et moi, ça marchait pas, j’étais encore trop exclusive par paresse amoureuse, j’avais envie de Vanessa et on avait pas fait le nécessaire pour que notre créature te drague.

– C’est bien résumé, je m’étais senti exclu de l’énergie de votre nouvelle relation. Mais là avec Paul c’est quasiment un jeu à 6. Votre triangle amoureux est complet : Vanessa est attirée par Paul et par toi et Paul et toi vous vous attirez aussi. Et les 3 créatures-liens s’entendent bien aussi, s’enlacent de manière à ce que l’édifice se consolide. Ça parait du bel ouvrage, un beau tétraèdre aha.

– Oui c’est carrément ça ! Bon après vu la complexité d’un jeu à 6 par rapport à un jeu à 2, ça aura peut-être juste la durabilité d’un château de carte. Mais pourquoi pas rajouté un angle à l’édifice, et si on tentait une pyramide petit chéri ?

– Bin oui de toute façon on peut tout tenter, notre relation elle est solide. Et puis on sait au fond que l’absence de l’autre n’est pas une objection pour nos corps de jouir de vivre.

– Oui chéri, je n’ai pas fondamentalement besoin de toi et je t’aime.

– Moi aussi je n’ai pas besoin fondamentalement de toi et je t’aime très fort chérie.

– Et les enfants que nous élèverons, eux, ils auront besoin de nous.

Fin

  1. Inspiré du magnifique podcast « Le cœur sur la table » ↩︎

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C’est marrant quand même comme notre cerveau est plus souvent un réalisateur de scénarios de films catastrophes ou d’épouvantes que de films réalistes et positifs quand il s’agit de confrontation. C’est d’ailleurs fascinant ça qu’on soit autant des machines à biaiser la réalité. On devrait se contenter de nous apprendre ça à l’école. À bien penser et à bien se confronter. En faisant pas de suppositions et en apprenant juste à devenir de bons metteurs en scène d’existences. Le matériau de base pour ça serait le réel capté avec de la science et de l’émerveillement. On apprendrait à faire ça toustes ensemble avec nos myriades de corps, de domestications et de points de vue ou de non vue, on apprendrait à se libérer pour mieux être et créer ensemble…

Fabien t’as encore du taf pour mieux maitriser ta pensée, t’es quand même très sujet aux divagations…

Tout ça pour me dire qu’un coming out, ça a bien plus souvent d’impact émotionnel pour soi que pour les autres. L’égocentrisme a peut-être ici son avantage. Une fois les gens rassurés qu’on ne va pas leur imposer ce qu’on fait pour soi, ils se font plutôt bien à l’idée que d’autres, même des proches peuvent vivre certains comportements en dehors de la norme. Enfin, ça, c’est si on n’a pas à faire à des psychopathes-dogmatiques avec du pouvoir. Ça peut être dangereux le « Nous » quand même, quand on y pense. Le « Nous » dirigé par un tyran, ça vous impose son « Je ».

Quoi qu’il en soit, la perte ou le conflit sont trop couteux, et la plupart des humains choisissent plus aisément le plaisir et la paix. Mes parents ont finalement fini par comprendre et à ne pas nous rejeter Safae et moi.

Mais maintenant, c’est à moi de me sentir rejeté. Et ça, parce que Safae veut étendre son «nous», mais cette fois-ci sans moi…

– Ecoute Fabien, je suis fait de liberté et tu sais à quel point je ne me retrouve pas dans les attentes qui enferment. C’est pour ça que je te propose un cadre libérant, mais c’est pas pour détruire ce que l’on a construit, c’est pour pas qu’on s’enferme dedans comme dans une prison.

– Tu es tombée amoureuse de Vanessa et je me sens écarté, c’est ça que je suis en train de vivre là. Je comprends ta vision mais c’est éprouvant pour moi. Il y a une asymétrie d’intérêts pour ton cadre libérant. Toi, tu as un accès plus facile pour partager de l’amour, moi, actuellement je n’ai que toi à aimer d’autre que moi.

– Et ça ne te suffit pas ?

– Bin si, justement ça me suffit.

– Et bin alors, où est le problème ? Je te fais confiance petit chéri pour être autonome dans ton amour. Tu as le droit d’en faire ce que tu veux comme j’ai le droit d’en faire ce que je veux.

– Oui je sais que tu as raison, mais là en l’état du moment, tu y gagnes avec ton cadre et moi j’y perds.

– Je comprends que ça soit éprouvant, tu perds de l’attention, mais de l’attention contrainte, ça marche jamais, ça va m’abimer. Tu veux que je m’abime ?

– Non, je ne veux pas que tu t’abimes bien sûr petit coeur, c’est moi qui m’abîme dans une forme de victimité abusive là. Mais je vais arriver à surmonter ça.

– Mais oui, tu vas rejouer les amants funs et festoyants et tu vas kiffer, je ne m’en fais pas pour toi. Et on s’aidera mutuellement. J’aime ta biologie, ton esprit et ta liberté tout aussi fort qu’hier tu sais. Il est solide et profond notre amour, j’ai juste besoin de relations infinies et de nouveauté créatrice. Cette liberté qui s’ouvre à l’intimité partagée partout, tout le temps et qui nourrit l’amour, qui l’étend, l’alonge et l’agrandi. J’ai envie de nourrir mes amours. Tu en est un et ce n’est pas en m’enfermant avec toi qu’il sera plus grand, il sera plus aigri de ne pas être libre, il moisira. Alors que l’ouvrir sans limite le nourrira et là-dedans je ferais tout pour qu’il nourrisse le tien aussi, le nôtre aussi. D’ailleurs tu as quoi de prévu vendredi ? On pourrait aller faire la fête tous les trois avec Vanessa ?

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En relations

Particules en relations, organes en relations, états en relations, univers en relation

systèmes nerveux, biologicopolitiquement interactifs !

et moi…

représentation illusoire

écrivant, cherchant, vibrant, tentant d’investir son vivre et son monde

je veux être, je veux participer

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