Une histoire de famille – Nouvelle – page 7

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Cela fait un an qu’on est ensemble avec Safae. Le processus d’encouplement a bien pris : les fantasmes et les illusions sont tombés et la réalité bien réconfortante, structurante et parfois stimulante du Nous a pris quasiment toute la place dans nos systèmes de récompenses cérébraux.

En fait, il y a vraiment quelque chose, à force de communion et de communication, d’une cotransformation psychique qui produit de la sororité et de la fraternité d’âme entre nous, de l’adelphité, comme elle dit. On sait s’aimer, on sait s’influencer sans se perdre l’un, l’autre. C’est beau. Mais voilà, il y a un nouveau rebondissement dans cette aventure romantico-amoureuse…

Safae, dont la transformation physique est tellement impeccable, ne m’a jamais amené à me confronter à l’hétéronormativité des proches voire à l’hétérofascisme des autres. Mais ce matin, Safae m’a annoncé sa volonté de se retransformer.

– Pourquoi tu souhaites faire ça chérie ?

– J’en ai envie, tu sais je t’en parlais pas mal ces derniers temps.

– Tu ne m’as pas parler de te faire opérer pour ressembler de nouveau plus à un homme.

– Non, mais je t’ai parlé que je me sentais pas 100 % femme intérieurement, que je me sentais mieux depuis que mon psychisme recomposait avec un peu plus de masculinité. Je me sens plus 80 % femme et 20 % homme en fait.

– Oui comme moi quand je te disais que je me sens 70 % homme et 30 % femme, mais je ne ressens pas le besoin de conformer mon corps à mon intériorité.

– Encore une fois mon petit chéri d’amour, tu as tort, mais je t’aime fort tout autant. Safae fit un tendre bisou sur la joue de Fabien pour ponctuer son message.

– Ahah, oui sans doute, tu sais bien que j’ai tendance à penser d’abord, à vivre ensuite. En fait, je crois que je conforme ma pensée à un système d’oppression pour ne pas avoir à l’affronter. Tu sais Safae, j’ai grandi dans une famille plus fasciste qu’aimante et j’ai peur de me faire rejeter ou maltraiter.

– Oui, petit chéri, tu as intériorisé la sanction des tyrans. J’ai déjà traversé ça, je suis heureux de te faire vivre l’expérience imminemment émancipatrice du coming out. Et tu sais, si je fais ça c’est aussi pour participer de la révolution écoamoureuse. Moi aussi, je me suis réfugié en quelque sorte dans une forme de sécurité binaire en épousant le camp de la normalité : ne pas montrer qu’il y a de l’homme en moi. Mais au fond, j’ai besoin d’être le changement que je suis dans le monde, je suis par-delà les normes sociales, je suis libre d’être complexe et je n’ai pas à baisser la tête devant l’intolérance en manque de tendresse ou face au fascisme en manque d’amour. Ce manque d’amour qui nous détruit, nous et la vie.

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Une histoire de famille – Nouvelle – page 6

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« Il était une fois une petite princesse qui grandit dans un royaume. Sur ce territoire les familles s’organisaient autour d’une injonction sacrée : « Soyez Fort ». Tout le monde avait appris à la respecter et à l’adorer. Cependant, une maladie contaminait la grande majorité des papas du royaume. Ils étaient atteints d’un mal redoutable transmis de père en fils. Ce mal avait une influence terrible dans tous le royaume.

La petite princesse faisait partie de ces enfants que l’on avait estampiller « futur homme » à la naissance. Comme tous les « futurs hommes », elle due grandir dans la répression de sa sensibilité. On lui rappelait toujours à la moindre larme, à la moindre expression de joie affective qui dépassait les normes qu’il fallait être fort et réprimer sa douceur et sa sensualité. Elle devait refreiner des choses qui ne pouvaient que difficilement se dissimuler : l’intonation de sa voix, la grâce de sa démarche.

Cette princesse due faire face à la violence, qui était valorisée comme la forme d’expression normale de la Force. Il y avait les brimades des copains et l’incompréhension impulsive d’un père qui ne comprenait pas pourquoi cette princesse avait un corps de garçon ou plutôt que ce corps de garçon hébergeait la sensibilité d’une princesse.

La maman de la princesse qui aimait sa fille plus que tout, fit tout son possible pour faire face à ce mal. Elle s’enfouie avec les 3 enfants et la famille décomposée fut recueillie dans des logements que l’on trouvait dans les bas-fonds des villes riches. Ces habitations s’étaient les résistants de la Douceur qui les avaient arrachées au pouvoir impitoyable de la Force en contrepartie de l’exploitation de leur main d’œuvre quand le royaume en avait jadis besoin.

Dans ces bas-fonds, on retrouvait cette mauvaise expression de la Force, la violence était encore là, mais le foyer était préservé, ce fut comme un petit miracle, un avant-gout d’une odyssée vers la reconquête de toute sa royauté dans les terres de Douceur. Elle quitta le foyer et s’entoura des opprimées qui comme elles, avaient eu la même enfance. Elles s’entrainèrent ensemble et se sculptèrent un corps qui pouvaient exhaler la plus exquise des sensualités. Elle eut aussi dans cette aventure recourt à une mage qui lui donna les attributs de sa féminité qu’elle pût explorer de plus en plus. Une partie de ce qu’elle apprit sur ce chemin, elle le mit dans un autre pouvoir qu’elle développa au cours de nombreux voyages : la musique. La musique qui est pour elle une œuvre de sensualité et d’harmonie face à la dysharmonie d’un monde écrasé par les ondes de choc de la force mutée en violence.

La personne que tu as en face de toi, c’est en partie cette mutation pour aller plus loin du côté sensuel et doux de la force. Cette petite reine qui n’a pas besoin d’un prince mais qui aime partager sa sensualité, sa douceur, sa joie de vivre avec toi. Cette même reine qui t’invite à te dévêtir de ta force mutée en mépris et de t’éprendre en douceur, d’un être qui ne sera jamais là pour te nuire, lui. »

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Une histoire de famille – Nouvelle – page 5

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Que Safae ait été biologiquement un homme, que cela change-t-il ?

C’est vrai que je m’y attendais pas, sa transformation est impressionnante.

Le fait que cela te perturbe, que cela veut-il dire de toi Fabien ?

Que mon homophobie n’est pas encore totalement déconstruite. Tiens en pensant ça, ça me fait penser à mes parents, ils sont pas prêts ahah. Bah, la vie heureuse est une affirmation contre le désamour et les préjugés, tu sais faire avec ça Fabien. Safae t’apporte le plus haut kif que tu n’aies jamais vécu à deux et tu t’écarterais de ça comme une catho détournerait méprisamment la tête de Jésus en ne voyant que ses longs cheveux de beatnik ? Tu es plus fort que ça Fabien.

Pourtant…

C’est fou comme l’identité, c’est profond, inconsciemment je sens bien que ça change la donne (ou que ça donne le change ?). J’avais une reine de cœur, je l’embrasse, la kiffe, me recule et j’ai là une reine de pique. Cette reine de pique elle est toujours aussi incroyable, aussi prometteuse en moments surréalistes de kifs et d’amour et pourtant le pique me fait peur et la peur, ça dissipe l’amour.

– Coucou Faby, ça va petit chéri

– Oui, tu veux un petit chocolat chaud ?

– ah toi tu as envie de parler intime, volontiers petit cœur.

– C’est ouf la relation qu’on s’est créés tous les deux quand même, j’adore, dit Fabien en se levant pour préparer les chocolats chauds. Puis sur le chemin, il s’arrêta, tourna la tête, attendit que Safae la regarde dans les yeux et repris : j’ai juste besoin qu’on aborde ta transidentité, on en a jamais parlé, et j’ai besoin de ça.

– Je me doutais bien qu’on allait devoir casser un peu la magie chéri : ouvrir le capot et essayer de recâbler ton moteur amoureux et libidineux pour qu’il vrombisse de nouveau comme avant. C’est ça de commencer une relation avec une personne pas encore bien déconstruite, petit chou, mais t’inquiète ça va bien se passer.

Safae embrasse joyeusement la joue de Fabien ramenant le mug de chocolat chaud. Merci petit chéri !

Bon il est où le bouton de l’amour là-dedans, poursuit-elle en levant son t-shirt. Ah peut-être là. Safae fit un baiser tendre sur le nombril de Fabien qui ne pu s’empêcher d’échapper un petit rire.

– T’es vraiment une petite reine pour mettre à l’aise toi.

– Alors dis-moi qu’est ce que tu veux savoir sur ma transidentité petit coeur.

– Bin, j’ai besoin que tu me racontes cette petite histoire-là, tu sais… j’aime pas trop les zones d’ombres.

– Ahah, tu as encore peur du grand méchant loup toi. Aller va, bois tranquillement ton petit chocolat chaud et laisse-toi embarquer par ma petite histoire.

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Comment diminuer mon égo sans y laisser des plumes ?

Je me trimballe mon égo depuis un bail. Il m’a permis des prouesses, il m’a embarqué dans des aventures, il m’a fait tenter des choses dont je n’aurais jamais eu le cran de faire sans lui. Il m’a fait me produire sur la scène de mon existence. Il m’a amené à donner de la valeur à mon personnage et ainsi à faire face à l’adversité et à démontrer quelque fois toute l’étendue de ma valeur.

Il m’a amené à souffrir aussi. Car toute « l’étendue de ma valeur » a ses limites. Et l’égo qui me diminue est clairement immature. Il aime pas la critique. Il aime pas ne pas plaire voire ne pas fasciner. Il déteste ne pas être préféré. Et puis il s’irrite quand cela ne va pas dans son sens, c’est à dire, vers lui.

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