Quelle est la juste place à donner à ma personne ?

Une personne, ça sert à quoi ? Cela sert à être un « je », un « tu », un « il », un « nous ». Ces pronoms nous permettent de vivre socialement. Imaginez jouer à un jeu où l’on ne pourrait pas utiliser de pronom personnel : cela rendrait la socialisation compliquée. Je suis un animal conscient et social. Conscient, parce que mon cerveau génère une représentation du monde et de moi-même qui s’incarne dans le pronom « je ». Social, parce que la place de notre cérébralité dans notre corps fait de nous des individus fragiles à l’enfance et capables de communication et de cotransformation de nous-mêmes et du monde, en lien avec les autres, adultes.

Mon système de représentation de mon monde et de moi-même est avant tout un héritage, une part de celui de mes parents, une part de celui de mes amis et de mes amours, une part de celui de mes enseignants et de mes managers, une part de celui de mes auteurs et artistes, une part de celui de mes divertissements. Je suis un être aux autres et une chose parmi le monde des choses.

Ma compréhension du monde et de moi-même exerce une pression sur mon être. Une tension entre ce que je comprends et ce que je vis. Dans ce que je vis, il y a ce qui est bon et ce qui est douloureux. Dans ce que je comprends, il y a ce qui paraît être le mieux. De ce mieux, il y a un désir. Désir qui se confronte à la manière dont les autres ont tendance à structurer leurs existences et la mienne. Cette structuration, ce sont les normes sociales. Normes qui se façonnent différemment selon les classes sociales, les genres, les validités, les « croyantalités ». Je suis un être au monde, et ce monde attend des choses de moi selon la représentation que mes réseaux d’autorité se font du monde et de moi.

Quelles sont les choses que mon monde (ma représentation du monde) attend de moi ? Mon monde, c’est aussi les autres. Et les autres, ce sont aussi des autorités. Il y a des asymétries de pouvoir entre les êtres, et ces asymétries induisent des rapports de force qui tissent des réseaux d’autorité. Les autorités nous donnent des rôles auxquels nous devons nous conformer. Si je ne me conforme pas à ces rôles, elles exerceront sur moi leur pouvoir de rejet et de violence ; si je m’y conforme, elles me donneront de l’intimité et de l’amour. Je suis un être social, un être enrôlé domestiqué et domestiquant. Je suis une personne, un corps avec une certaine forme de détermination génétique, qui apprend à mimer les autres en vue d’en tirer de la sécurité, du réconfort, de l’utilité, de la stimulation, de la reconnaissance, du sexe et d’éviter du rejet et des punitions.

Sans les autres, je suis un corps-esprit. Avec les autres, je suis une personne, une interprétation-pression constante du regard des autres sur moi. Selon l’appréhension du niveau d’amitié ou d’inimitié que mes autorités et mes expériences sociales m’ont fait émotionaliser : je serais plus ou moins apte à être heureux ou malheureux en présence des autres. Il y a les belles personnes, amicales. Il y a les mauvaises personnes, méprisantes. D’où vient ce mépris qui font de nous des mauvaises personnes, des inaptes à faire des choses positives avec les autres ? Et bin, de la sommes de nos maltraitements, dont le principal est l’intériorisation des préjugés et des exigences abusives des personnes qui ont fait autorité sur nous.

Sans les enseignements extérieurs à mon milieu social, je suis condamné à ne pas pouvoir excéder un certain niveau d’aptitude sociale. Ce niveau maximum se trouve dans l’optimum d’hybridation des manières d’être des personnes que je côtoie ou qu’on me donne en fiction. On ne s’invente peu une personnalité, on la compose avec ce que l’on décide de prendre des autres dans la vie ou dans les fictions. Je suis une personne, un acteur social, parfois un metteur en scène, un auteur aussi.

Il y a ce que je parais et il y a ce que je dis. Ce que je parais est avant tout affaire de façade corporelle et d’émotions, ce que je dis est avant tout affaire de cérébralité et de langages. Ma cérébralité qui me fait dire des choses sur les choses. Et cette cérébralité, elle peut dissoner ou sonner juste avec l’émotionnalité et les normes des autres. Elle peut dissoner juste aussi parfois : quand elle impressionne. Il y a ici, au coeur de ce que je dis, un rapport aux normes et aux égos des autres. Perdre conscience de la partition sociale qu’incarne les autres, c’est risquer l’isolement. Prendre conscience de la partition sociale que jouent les autres, c’est tenter l’être-ensemble, puis parfois, la disruption : jouer des notes qui invitent les autres aux chemins de traverse, plus beaux, plus libres.

Pour cela, il me semble à ce point, qu’il faille arriver à se rendre poreux à la beauté et à la liberté. A échapper, dans notre intériorité, aux dysharmonies de nos sentiments et de nos pensés que nos maltraitements passés induisent, malgré les rejets sociaux que cela va impliquer.

Ce qui nous amène au sujet du prochain article sur l’égo-> Dans quelle mesure puis-je me délivrer des tourmentes égotiques résiduelles des maltraitements passés ?

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