Comment se dédomestiquer tout en restant une bonne personne ?

Ce que je traverse là, c’est une sorte de désert, où j’avance pas à pas dans une immensité spirituelle restructurante et réjouissante, la boule plus ou moins au ventre, en pensant retrouver plus sainement et dans pas trop longtemps l’oasis de la grégarité positive. Mais je n’en finis pas de cheminer dans l’immensité solitaire, par perfectionnisme spirituel sans doute, mais surtout par peur sociale bien plus probablement…

Je n’arrive pas à faire le vrai premier pas vers l’oasis rassurante de l’appartenance au groupe, et je tourne en thérapie et en divertissement, plutôt que d’avoir le cran d’appeler ou de m’inviter vers ces parts des autres qui se réjouiraient de ma présence. Je persévère dans mon intranquillité et ma compulsivité ludosolitaire pour me préserver de souffrir de nouveau de ce que certaines parts des autres m’ont infligé et m’ont fait de moi.

Si je devais affiner la compréhension du phénomène, je tenterais de le décrire ainsi :

  1. Le recours à la violence pour me punir de règles pas claires, orchestré par la variabilité émotionnelle, le manque de souplesse cognitive et de compréhension de ceux qui ont pu l’exercer sur moi, a engendré une part de moi traumatisée et aliénée. Cela provoque chez moi une soumission sociale compulsive (peur de dire non ou autrement) et pathologique (rage intériorisée compensatoire et retrait social).
  2. Pour me guérir de cette part de moi sur-soumise et pathologisée, j’ai recours à la thérapie, qui me transforme de jour en jour vers plus de souplesse cognitive et une recomportementalisation plus saine.
  3. J’investi actuellement quasi exclusivement ma guérison personnelle, car elle est une zone confortable qui établit une zone de contrôle et de maîtrise bien délimitée suffisament rassurante et effective pour me couper l’envie de sortir de mon bain tiède et solitaire et progresser (avec le risque de glisser sur le carrelage) vers le grand bain collectif qui implique en plus chez moi une forme de pré-angoisse lors d’y sauter (et qui une fois le premier saut de l’aller-vers accompli se dissipe très rapidement).
  4. Dans le cas du saut vers l’autre, je vis donc une phase de pré-angoisse avant communication qui est le vestige de mon syndrome de stress post traumatique de type 2 (dit complexe).
  5. Qui implique par la suite une phase de post-angoisse post aller-vers qui me fait me sentir excessivement mieux et m’invite à oublier de dire mes nons et mes autrements, accaparé que je suis à barboter dans le bain plaisant de l’intimité sociale en partie réchauffé par le phénomène psychique compensatoire (endorphine) post effroi (adrénaline).
  6. Avant de faire le saut de l’aller-vers, je me débine quasi systématiquement en pataugeant dans la part de moi qui me rêve d’être sainement assertif, capable de parler juste et bien de mes besoins et d’inviter les autres à faire de même, tout en fait, en respectant cette part de moi archaïque d’enfant apeuré par l’hyperréactivité émotionnelle des parts des autres qui n’avait et/ou n’ont pas su encore guérir de leurs traumatismes.
  7. Derrière le refus de plonger dans le grand bain social, il y a des myriades de prétextes qui tous convergent vers la même source : « ne me brutalisez pas et ne m’humiliez pas s’il vous plait, j’ai peur de ne pas y survivre »

Et ça ce n’est qu’une part de ma difficulté à aller vers les autres qui est le symptômes de ma domestication abusive non encore traitée ou suffisament gérée.

L’autre difficulté qui entretient mon non aller-vers, c’est le phénomène sociopsychologique de la culpabilité d’avoir trop attendu pour aller vers. C’est-à-dire que non seulement je souffre d’une peur sociale pathologique qui ralentit et biaise mon retour à l’autre, mais en plus je me soumets à la pensée diabolique et torturée que j’aurais dû faire cette démarche bien plus tôt…

Si je devais affiner la compréhension du phénome, je tenterais de le décrire ainsi :

  1. Au cours de ma domestication, j’ai intégré les attentes et injonctions sociales des autorités. Les plus effectives pour moi psychologiquement sont : « dépêche toi » et « fais parfait ».
  2. Prendre le temps est très mal vu du point de vue de cette part inquisitrice qui séjourne en moi malgré moi.
  3. Je me sens fautif, et donc ça appelle en moi une pulsion punitive et la peur liée à l’éruption de violence qu’il y a pu avoir avec. La peur de mal faire et de prendre trop de temps est le vestige d’une mauvaise manière d’avoir fait de cette part de mon émotivité ce qu’elle est devenue jadis, une force paralysante…
  4. Dans cette construction psychocomportementale, plus j’attends, plus j’attends et plus j’attends, plus je souffre… Principe infernal d’une boucle rétroactive psychocognitive orchestrée par l’impuissance jadis de pouvoir m’extraire des violences non consenties.

Voilà le topo, et je m’en pardonne naturellement. Mais cela ne désactive pas pour autant la peur et la culpabilité qui frappent éperdument à la porte de ma conscience. Ce n’est pas parce que jadis, des autorités punitives externes n’ont pas su écouter mon angoisse, mes cris et mes larmes que je dois me calquer bêtement et abusivement sur ce comportement.

Elles ont raison d’insister cette peur et cette culpabilité.

Etant un adulte en guérison, j’écoute ce que je ressens, et j’en fais quelque chose. Je soulage l’excès émotionnel en m’auto-rassurant et en mobilisant les zones de détentes, de soin, d’autocompassion et d’amour.

Et je comprends les besoins derrière ces deux messagères :

  1. J’ai peur, j’ai donc besoin de me protéger de quelque chose ou de la relativiser
  2. je me sens coupable, j’ai donc besoin de réparer une relation affective ou de la relativiser

Pour le cas 1, concernant la peur, il y a une ambiguïté car ce dont je dois me protéger en tant que sujet avec une cérébralité abimée par des traumatismes provient moins du danger réel que du sentiment fictionnel d’être menacé. Les traumas me maintiennent en état d’alerte et de danger alors que ce danger il est passé, il est fini, bel et bien terminé et derrière maintenant, mais j’en ressens toujours l’angoisse et l’intranquillité qui m’abime la pensée, l’action et les intestins et me font parfois m’éloigner des autres.

Pour le cas 2, concernant la culpabilité, il y a aussi une ambiguïté car ce dont je dois réparer est autant l’intimité affective avec les parts de ceux qui s’en nourrissent que la part de moi qui n’arrive pas à tolérer mon imperfection (« c’est quoi ça ! ») et mon retrait social (« viens là tout de suite et attention ne boude pas ! ») et là-dedans à m’apaiser de la peur fictive du pire qui ne reviendra pas, en tout cas pas sous cette forme étant beaucoup plus puissant aujourd’hui que lorsque j’étais petit et vulnérable.

Voyez à quel point j’ai du mal à me défaire de mes traumatismes et de ma manie perfectionniste de les entourer, les nommer, les barrer, les souligner… Pourtant, ce qu’il y a derrière les messagers psychiques de la peur et de la culpabilité, et que j’ai du mal à percevoir derrière les miroirs déformants de mes troubles psychologiques, c’est que certes dans l’excès de ces signaux il y a une domestication abusive, mais qu’il y a aussi et fondamentalement une naturalité positive, les amis 🙂

Je suis un animal humain avec son émotivité existentielle et sociale, et qu’on le veuille ou non je ne me « guérirai » jamais entièrement de mon instinct grégaire qui est d’ailleurs un vecteur socionaturel de puissance fabuleux quand on sait être ensemble sans être toxique les uns les autres ; je pourrais bien évidemment plus ou moins me désensibiliser de cet instinct, ou plutôt le détourner et me réorchestrer autour via la restructuration cognitive que permet le phénomène de la plasticité cérébrale. Mais au fond, le problème c’est pas du tout la grégarité, au contraire, le problème c’est la toxicité relationnelle. En fait, c’est bien d’être social et c’est merveilleux d’arriver à l’être de mieux en mieux, et de se donner les moyens d’être une bonne personne pour nous (moi avec ma part d’affectivité réjouissante et ma part d’insécurité mal allante avec les autres et leur part de réjouissance affective et leur part d’insécurité mal opérante).

Car il me semble, en ce moment, que le meilleur des soulagements psychologiques serait de me sentir en paix, accepté parmi les autres, à la suite d’être réentré en contact et donc en relation avec les personnes qui composent mon système social et affectif autour de moi. Qu’on le veuille ou non, même guéri intégralement de nos traumatismes, la réassurance de l’appartenance sociale est goûteuse et succulente pour le cerveau, et son absence est fade et intranquilisante.

Maintenant que tout cela est bel et bien posé et bel et bien là, qu’en faire de tout cela ?

Et ben la même chose que tous les soirs Cortex, transformer le vivre en élaborant le meilleur processus régulateur et la meilleure ligne de conduite active pour y remédier.

A suivre…

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