Comment nous guérir de la honte et de la culpabilité ?

Je viens d’aborder dans mon article précédent, l’apport du pardon comme un ingrédient important d’un processus d’apaisement (inter)personnel. Apaisement notamment avec l’agressivité. Agressivité qu’il ne s’agit plus de nier ni de renier, mais qu’il s’agit de réintégrer dans mon être pour ne pas retourner son énergie brutale contre moi-même ni contre les autres. Tenter de transmuter la colère-agressivité en protection et promotion de soi avec vitalité et raison.

Être une bête blessée dans un système socioculturel humain ne permet pas la vie bonne. Donc, soignons-nous et faisons quelque chose avec notre combativité. Combativité qui marche de pair avec notre vitalité. Dans cette optique, après avoir trouvé un moyen de mieux dealer avec mon agressivité pour ne plus qu’elle se mute en désir irrépressible de violence et de vengeance. Je souhaite maintenant poursuivre mes réflexions sur ce même chemin réintégratif avec la honte et la culpabilité. Afin que la dévalorisation se mute de moins en moins en élaboration de scénarios de revanche excessifs ou en soumission compulsive.

Comme nous l’avons vu dans l’article précédent, l’agressivité est alimentée par le sentiment de victimité. Et où se sous-victimiser ou se sur-victimiser sont les deux faces de la même médaille. Médaille de nos blessures d’injustice et de domestication qui entretiennent en nous une agressivité qui se heurte aux murs de la raison et de la société, générant des souffrances psychiques destructrices, inutiles, perdantes.

Transposons maintenant ce raisonnement avec celui de la honte et de la culpabilité. L’agressivité serait une force primitive de défense-protection et d’attaque-promotion nécessaire à toutes les individualités animales. La honte et la culpabilité seraient, elles, apparues au cours du processus de socialisation des meutes animales et dont l’humain provient. La forte socialité humaine qui permet de faire, de détruire et de créer ensemble a été rendue possible par une cérébralité capable, entre autres, de représentation de soi et du sentiment de sa propre valeur. C’est ainsi que le Moi peut pleinement exister et devenir, en partie, une instance psychique de contrôle social. Un phénomène psychosocial qui pousse un individu à se prendre au jeu des dynamiques collectives dans lesquelles il est amené à évoluer.

Comment ça marche le Moi, la honte et la culpabilité ?

Le Moi est un processus permanent de confection comportementale en vue de trouver le meilleur équilibre possible entre ce qui me meut et me pousse instinctivement et individuellement à aller vers (mes besoins qui me pressent à partir de ma matière, mon énergie, mon ADN) et ce qui me meut et m’influence culturellement et socialement (les idées et attentes de ceux qui ont et ont eu de l’autorité sur moi).

En fait, il faut voir l’identité comme un mécanisme intellectuel qui sert surtout à se conformer. Un phénomène de mimétisme collectif et symbolique, organisé par l’aptitude à l’intersubjectivité humaine. Capacité d’imagination et d’investissement collectif autour de symboles et de croyances pour s’unir et se sentir plus forts et sécurisés ensemble. Où le Moi devient principalement ici une tentative de conformation intériorisée à ce qu’on attend de nous. Et qui peut devenir un fardeau quand ces attentes ne s’alignent pas avec les besoins nécessaires à la bonne santé physique et mentale des individus constituant le groupe (la famille, le couple, les organisations religieuses, politiques et économiques). Une boule de plomb et de pierre que l’individu doit hisser dans l’effort sur le haut d’une colline et qui ne manquera pas de se redescendre une fois le sommet atteint… Il ne faut pas imaginer Sisyphe heureux, il faut l’imaginer esclave de sa socialité abusive. Où cela ne dépend que de lui de s’émanciper de son fardeau d’autorités extérieures, de son aliénation collective abusive.

La honte et la culpabilité peuvent participer de ces fardeaux. Quand ces sensations psychiques qui permettent de nous indiquer un écart par rapport aux normes sociales intériorisées, nous amènent à nous auto-torturer.

La honte est une émotion secondaire. Une forme combinée des émotions primaires du dégout et de la peur :

  • du dégoût vis-à-vis de certaines parts de soi et des autres qui constituent l’identité que l’on s’est construite plus ou moins volontairement (dégoût et attrait social comme signaux négatifs et positifs d’une norme du bien, du beau et du bon que l’on a intériorisée)
  • mêlé à la peur d’être rejeté du groupe

La culpabilité est aussi une émotion secondaire. Une forme articulée autour de l’émotion primaire de la peur qui réagit avec notre intériorisation du jugement social (Surmoi) :

  • la peur d’être puni
  • mêlée avec ce qui constitue notre morale

Comment se guérir de la honte et de la culpabilité ?

D’abord, il s’agit de comprendre pourquoi la honte et la culpabilité sont problématiques.

La honte peut devenir une surréaction abusive. Pourquoi avoir honte de la réalité de ce que nous sommes et de ce qui nous a constitué jusqu’à présent ? La honte n’est-elle pas un refus d’accepter ce qui est tel que cela est, ce qui fait que je suis ainsi tel que j’ai été conduit à l’être ? Un déni de réalité ? Un attachement abusif à des normes sociales abusives ?

La culpabilité peut aussi devenir une surréaction abusive. Pourquoi se sentir fautif de ce que nous avons été amenés à agir de la sorte ? Qu’aurais-je pu faire d’autre, dans ce contexte-là, avec cet état émotionnel et ce niveau d’interprétation et de contrôle d’antan ? La culpabilité n’est-elle pas une surpunitivité envers soi ? Qu’ai-je d’autre à faire qu’accepter les conséquences réelles de mes actes plutôt que de me les imaginer de manière inadaptée et enfantine ? N’ai-je pas à remettre en question la morale et la punitivité des autres autant que la mienne ? N’ai-je pas, en tant qu’adulte, la capacité de choisir mes groupes et mes normes sociales ? À ne plus être soumis compulsivement par la détermination psychologique des punitions et sévices du passé ?

Comme toute les émotions et capacités cognitives sont bonnes par nature, il y a une part de honte et de culpabilité qui est saine. Car elle nous invite toutes les deux à la réadaptation ou à la réparation sociale. Ce qui peut être bon et bien.

C’est quand ces signaux de besoins de réadaptation et de réparation sont traités avec la peur et la rage que les punitions du passé nous ont amenés à intégrer, que ces deux sentimentalités-là nous troublent et se transforment en comportements abusifs et douloureux.

Guérir ici passe donc par nous soigner et nous guérir de notre soumission morale et sociale incomprise. En tentant de remplacer nos comportements maniaques et punitifs abusifs par des comportements réparateurs et adaptatifs sains et effectifs. En abandonnant nos mauvais modèles parentaux et autoritaires du passé et en réinvestissant les bons. Et tenter de rectifier la valeur de soi. La réinvestir en dignité naturelle inviolable et indétrônable. Se désidentifier des autres. Devenir sa propre et seule autorité. Se désaliéner de toutes nos autorités extérieures abusives. Être ce que nous sommes tel que cela a été et tel que cela est et devient. En écoutant nos signaux sociaux et sans nous faire de mal avec.

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