Une élite à la marge – Nouvelle – page 7

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– Drôle de lieu pour une séance de coaching.

– Pourquoi, vous n’aimez pas la campagne ?

– Si, mais c’est tout de même assez loin de Paris.

– Philippe, je vous présente Françoise Lachaise, elle habite Saint-Martin-Aux-Champs depuis son enfance. Epouse de Pascal, agriculteur décédé l’année dernière.

– Bonjour Madame.

– Bonjour Monsieur, vous êtes le patron d’Agrinov ?

– Oui tout à fait

– Je ne vous fais pas rencontrer n’importe qui, s’amusa Salima.

– Ne restez pas devant la porte, rentrez, j’ai fait du café et des gâteaux, invita Françoise en rentrant dans la maison.

– C’est quoi ce plan ? Chuchota Philippe à l’oreille de Salima.

– Comme je vous l’ai dit je ne vous fais pas rencontrer n’importe qui. Cette personne va vous aider à effectuer votre transition écologique.

Philippe entra dans la maison, l’air dubitatif. A l’intérieur cela sentait l’ancien, des vieux meubles en bois, des photos d’enfants à toutes les étapes de leurs vies, une veille cheminée dont émanait une odeur de cendre froide avec au-dessus la photo encadrée du mari.

– Vous savez Françoise, Philippe à lui aussi perdu son conjoint.

– C’est dur, n’est-ce pas ?

– Oui, ça l’est.

– Installez-vous ici, montra Françoise. Pascal était un mari adorable vous savez. Tous les mois du jour de notre rencontre, il me cueillait une rose rouge. Vous ne pouvez pas savoir à quel point il me manque.

– Que lui est-il arrivé ?

– Il est mort d’un cancer l’année dernière. Comme les cent familles d’agriculteurs francophones avec laquelle nous avons monté une association. Toutes les exploitations concernées utilisaient des produits de votre entreprise. Chez certaines familles, ce sont les enfants qui ont souffert de cette maladie. C’est terrible comme maladie vous savez. Nous nous apprêtions à nous lancer dans une campagne juridique et médiatique pour obtenir gain de cause mais Salima, nous a convaincu d’attendre de vous rencontrer pour essayer de trouver un terrain d’entente sans avoir à partir dans cette démarche. Est-ce que vous reconnaissez le problème ?

– Oui je reconnais bien évidemment le problème, notre industrie n’est pas sans aucun risque sur la santé des agriculteurs. Est-ce que votre mari portait les équipements de protections individuels nécessaires pendant la manipulation et l’épandage des produits ?

– Je sais qu’il en mettait certains, le masque respiratoire en tout cas c’est sûr. On a un scientifique, un médecin qui s’est penché sur le sujet et qui a mené une étude sur nos 100 familles et il dit que la corrélation entre l’usage de vos produits et les cancers est statiquement validée. Tenez, j’ai une copie de ce rapport pour vous. Est-ce que vous avez envie d’agir pour arrêter ces drames ?

– Oui, bien sûr, dit Philippe en prenant le document et en regardant Françoise puis Salima, l’air un peu perdu, un peu piégé aussi. Salima restait en réserve, elle se contentait d’une écoute attentive à chaque prise de parole, tout dans sa posture invitait au dialogue bienveillant. Qu’est-ce qui est important pour vous ? Poursuivit-il en s’adressant à Françoise.

– Ce qui est important pour moi, c’est qu’on arrête de tuer des gens avec vos produits mortifères. L’association, veut qu’avec vos bénéfices vous financiez le virage vers une agriculture biologique pour tous vos clients.

– Ah oui, ce n’est pas une petite demande.

– Salima m’a dit que vous seriez avec nous. Est-ce que vous l’êtes ?

– Oui, je veux pouvoir jouer un rôle fort vers une agriculture qui fait que nourrir et plus mourir. Je suis plutôt en phase avec votre proposition, je préfère clairement financer le changement vers une agriculture saine et durable que de voir l’argent de mon entreprise payer des frais et indemnités juridiques. La principale difficulté ici, c’est que ce n’est pas moi qui décide d’un tel virage, je suis le directeur de l’entreprise, je ne suis pas son propriétaire. Le groupe est possédé à 51% par ma belle famille, c’est eux qui prennent de telles décisions.

– Très bien ! S’enjoua Salima à la surprise des deux autres. Travaillons ensemble tous les trois à comment nous allons pouvoir les convaincre. Déjà est-ce que vous possédez des parts dans l’affaire ?

– Oui, j’ai pris 10% du capital initial d’Agrinov lorsque je l’ai fondé. Tout le reste appartient au groupe familial. Dans ses règles de fonctionnement, les époux et épouses n’ont pas accès au capital, seuls mes enfants à leur majorité aurait pu faire partie des héritiers.

– Je vois, rien qui vous permette de vraiment peser dans les décisions à ce niveau. Quel est votre poids ici, qu’est que vous pouvez leur donner ou leur enlever pour qu’ils vous suivent dans cette aventure ?

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