C’est quoi se déségocentrer ?
C’est libérer l’esprit de l’égocentrisme. C’est à dire de la construction mentale qui donne une importance excessive à la représentation de soi. Biais qui amène un esprit à penser du point de vue du « je » plutôt que de celui du « nous » ou de celui du « cela ». Cet égocentrisme, ce biais de « survalorisation » de l’intérêt personnel, engendre un surinvestissement psychique pour les déterminants possessifs « ma », « mon », « mes », « nos » en confrontation avec « ta », « ton », « tes », « vos », « leurs »…
Pourquoi serait-il mauvais de donner une importance excessive à ses intérêts propres ?
Première hypothèse : plus l’esprit est égocentrique, plus l’existence passe à côté de l’essentiel.
Deuxième hypothèse : plus l’esprit est égocentrique, plus il est impuissant.
Troisième hypothèse : plus l’esprit est égocentrique, plus le corps souffre.
Si ces hypothèses se valident (cela sera vu plus tard), de quels intérêts l’esprit devrait-il plutôt se nourrir ?
Première hypothèse : l’esprit doit se nourrir de l’unique désir d’harmonie.
Deuxième hypothèse : l’esprit doit nourrir le réel de sa capacité à produire de l’harmonie.
Troisième hypothèse : l’esprit doit s’extraire de toutes les souffrances qui l’encombrent.
Voilà le topo, maintenant, reste à savoir comment l’esprit va t-il harmoniser tout ça 🙂
D’abord, qu’est-ce que l’esprit ?
Et ensuite, pourquoi l’harmonie devrait-il être son unique désir ?
L’esprit est conscience, mémoire et opérance. De mon système nerveux émane la conscience. Avec cette conscience, « je » peut exciter ou calmer les cellules de mon corps où l’attention est mise, « je » peut aussi observer le flux entrant perçu des 5 sens pour en jouir ou en produire des concepts à des fins de communication et de solutionnement. Ici nait le phénomène du sentiment de libre-arbitre, le fait de se sentir maitre de là où l’on met son attention et d’activer son corps et son esprit qui en émane comme « bon cela semble ». Notre corps semble être « téléguidé » par une forme de liberté de conscience des plus mystérieuses… Est-ce cela qui donne envie de dire « je » ou « moi » ?
Au travers de mon esprit, la répétition permet l’automatisation. Cela qui fait que j’écris actuellement en tapotant sur le clavier sans avoir à penser à chaque fois où sont les touches et même que doivent faire mes doigts. L’activité de mes mains est devenue une prolongation de l’esprit au travers des apprentissages. L’esprit est conscience et mémorisation et usage des mémorisations comme matériaux à des fins toujours plus opérantes… En cela, l’esprit ne serait-il pas volonté de puissance et de jouissance ?
Si l’esprit est une émanation biologique d’un désir de jouissance et de puissance, pourquoi devrions-nous mettre cela au service de l’harmonie ?
En d’autres termes, sommes nous condamnés à être harmonieux pour être heureux ?
Oui, cela le pense 😉
A l’instar de l’organisation de l’énergie et de la matière par la Physique et par la Biologie, le Réel conjuguerait une dispersion chaotique et un rapprochement dynamique suffisament équilibré pour se produire lui-même, ainsi que la vie.
La perception par l’esprit de cette sensation d’équilibre dynamique que l’intellection interpréterait en beau-bon-juste générerait le sens de l’harmonie et de la symétrie. L’esprit s’étalonnerait sur la création qui l’a engendrée. L’harmonie étant un optimum de puissance : tout ce qui n’est pas harmonieux serait condamné à périr car rejeté par le processus créatif du réel.
L’énergie produisant de la matière et de la jouissance par le vivre biologique : la vie désirerait la vie et donc l’harmonie qui la favorise. En résumé, il est bon de vivre, l’harmonie est propice à la vie, alors pourquoi se priver ? Jouissons.
Pourquoi l’harmonie ne se fait elle pas d’elle même ? Et est-ce cela l’Essentiel ?
On en revient à cette interrogation sur le libre-arbitre-conscience. Les corps biologiques et l’esprit produisent de l’expérience-vivre. Dans cette expérience, il est probable qu’il faille cet espace de liberté, cet espace-être-vivre qui téléguiderait l’attention et une partie du corps et dont l’en-jeu existentiel semblerait être de jouir au maximum de la puissance de vivre.
C’est ce maximum qui semblerait avoir besoin et envie de l’harmonie. Et c’est ce maximum-harmonie qui semble être la meilleure essence pour faire carburer et jouir l’esprit.
Les conditionnements dysharmoniques et le manque de raison engendreraient également la possibilité de s’illusionner et de s’écarter du kif de vivre. La domestication humaine étant pour l’heure hautement dysharmonique : l’harmonie naturelle d’un corps et d’un esprit d’enfant serait corrompue en grandissant. Redonner à son esprit toute la force de sa raison pour s’émanciper des mécanismes qui rendent l’existence dysharmonique ferait partie de la quête rationnelle de tout adulte avec des souffrances.
Pourquoi l’égocentrisme rend-il impuissant ?
Le biais intellectuel égotique, c’est à dire une représentation immature et donc illusoire de soi, produirait du bonheur virtuel et du malheur concret. Il engendrerait un trouble de la puissance personnelle : l’illusion qu’on entretiendrait à propos de soi rendrait notre progression en tant qu’être plus longue et moins efficace. Ici, le « je-idéalisé » voilerait les limites et les faiblesses du « je-réel », le rendant plus inapte dans son rapport à l’autre et au monde.
Pourquoi l’esprit devrait-il nourrir le réel de sa capacité à produire de l’harmonie ?
L’esprit serait une production du réel. Réel qui se constituerait et prendrait forme dans un processus d’équilibration à partir d’un chaos. Cette transformation unificatrice produirait de l’harmonie dynamique.
Au sein de ce processus, l’esprit génèrerait par les sens et la représentation, un sens du beau. Ce sens du beau permettrait ainsi la réception d’un sentiment d’harmonie. Ce sentiment d’harmonie, quand il se frotterait au douloureux, chercherait instinctivement à vouloir prendre soin et à vouloir réparer et guérir de manière à se débarrasser de ce qui entraverait la jouissance et la puissance du vivre.
L’esprit serait en interrelation dynamique avec le réel dont il fait partie. L’organisation matérielle constituerait son environnement dont le corps et ceux des autres font partie. Cet environnement engendrerait des émotions et des pulsions en lui. L’esprit serait intimement et infiniment connecté au réel qui le constitue et dont l’Autre fait partie. L’esprit ayant soif de puissance et jouissant d’harmonie, il se devrait de ne pas se désharmoniser et de produire du pouvoir à partir de la matière et de l’énergie qui le constitue et l’environne.
Le monde est sociologiquement dysharmonique (fort déséquilibre des puissances et des jouissances). La société étant transformable par les forces de l’esprit, l’esprit aurait pour quête d’apporter une harmonisation sociologique dans un monde encore trop chaotique.
Pourquoi l’égocentrisme fait-il souffrir ?
La cérébralité humaine est une sorte de machine à générer de la représentation et de l’identité (« vous êtes », « je suis », « nous sommes »). L’identification est nécessaire socialement pour concilier ses intérêts propres et les intérêts de ceux qui exercent du contrôle et de la domination sur nous. Ainsi, une part du « je » se conforme aux aspirations et aux attentes extérieures qui ont été intériorisées à des fins de survie et de reproduction, processus biologique et social qui pourrait être propice au bonheur. À condition que notre système éducatif soit intelligent et plein d’amour, ce qui, dans notre société malade, n’existe pas, même s’il y a bien sûr des parentalités bien meilleures que d’autres, mais la parentalité n’est qu’une partie du système éducatif…
Bref, le « Je » est une construction cognitive et culturelle rendue possible par le processus d’identification que produit naturellement l’esprit. Dans ce processus de production du « je », il y aurait de la domestication, celle que les autres exerceraient sur le corps et dont l’esprit fait partie. Dans ce processus de domestication, il y aurait un système de récompenses et de sanctions. Là dedans, des récompenses seraient inatteignables et donc abrutissantes et des sanctions seraient punitives et donc blessantes, cela ferait, dans ces deux cas de figure, souffrir le corps et l’esprit.
Et même si cette blessure ne serait pas physique, mais psychologique, le corps souffrirait. Pourquoi ?
Parce que le processus d’intériorisation ferait que le corps investirait le « je » que l’esprit aurait construit. Le corps deviendrait alors sensible à la valeur et aux attentes du « je ». Et le corps souffrirait quand le « je » serait dévalorisé. Et le corps jouirait quand le « je » serait valorisé. Un « je » domestiqué de manière maltraitante avec des récompenses mal guidées et des punitions blessantes et dévalorisantes engendrerait, quand le système d’inquiétude et de dévalorisation est actif, des états douloureux.
L’égocentrisme paraîtrait être ici le fruit d’une mauvaise socialisation. L’interaction sociale pouvant être douloureuse, l’esprit développerait une hypervigilance égotique afin de se prémunir de cette souffrance et une hypertrophie égotique dans le champs de l’imagination pour compenser le maltraitement du « je ».
En d’autres termes, l’égocentrisme serait le fruit d’une accumulation de souffrances que l’esprit n’aurait pas su guérir dont la principale serait l’atteinte à la valeur que l’être se fait de lui-même.
Pourquoi l’esprit devrait-il s’extraire de toutes les souffrances qui l’encombrent ?
En étant égocentrique, l’esprit consommerait, en excès, l’énergie qui le nourrit pour produire une existentialité non optimale. Cette existentialité non optimale pourrait être mesurée par le taux de gaspillage de puissance et de jouissance à partir du rapport existentiel entre la puissance et jouissance optimales et la puissance et jouissance réellement vécues.
On pourrait formuler mathématiquement cela ainsi : Gaspillage existentiel = 1 – (Puissance optimale x Jouissance optimale) / (Puissance réelle x Jouissance réelle)
Qu’est ce qui pourrait faire obstacle à l’actualisation de l’optimum de puissance et de jouissance ?
Première hypothèse : le vouloir-jouir serait perturbé par des formes de puissance insuffisamment capables d’engendrer de la jouissance.
Deuxième hypothèse : le pouvoir-jouir serait perturbé par des formes de jouissance insuffisamment capables d’engendrer de la puissance.
Troisième hypothèse : L’esprit resterait englué dans des problématiques égotiques qui n’ont plus lieu d’être, adulte. Car adulte, il est possible de vivre sans avoir à subir la malguidance et la punitivité des autres. Pour cela il s’agirait de commencer par libérer l’esprit de la malguidance et de la punitivité qu’il a fait intériorisé au corps-esprit.
Tout concourt à vouloir participer d’un processus de déconditionnement des valeurs et des attentes dysharmoniques. Pour cela, il semblerait bon de devoir opérer une fusion exclusive entre la liberté et l’identité (« je suis liberté »), entre le comprendre et l’agir (« je fais jamais contre ce que je comprends »), entre le vivre et l’être (« nous somme une émanation du vivre »).
Ici, tout semblerait s’alléger. Si l’être deviendrait le vivre et le vivre deviendrait l’être, l’esprit n’aurait plus besoin de tricher. Si l’agir deviendrait le comprendre et le comprendre deviendrait l’agir, l’esprit ne se maltraiterait plus, si le « je » deviendrait le libre et le libre deviendrait le « je », l’esprit n’aurait plus de rapport de domination intériorisé. L’esprit libéré de sa gravité, pourrait alors libérer l’égo de son centre et donner et enlever de la valeur à tout ce que bon lui semble, harmonieusement.
Ici, l’égo occuperait une juste place dans mon corps : il consommerait ce qu’il faut d’énergie pour la juste défense et la juste valorisation du Soi au service de la vie et l’harmonie en lui et autour de lui.
Aimer les autres et leur rendre service me semble un excellent moyen de m’oublier.
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