Pourquoi tomberait-on amoureux ?
Trois hypothèses sembleraient pouvoir expliquer cela :
- Pour le sexe et la reproduction
- Pour la tendresse et la « familliation » (couple, foyer)
- Pour la frime et la compétition (« c’est moi qui l’ai pécho »)
On tomberait plus instinctivement amoureux des personnes attirantes, c’est à dire des personnes les plus convoitées. Le fait d’être convoité amplifierait d’ailleurs le phénomène d’attirance, une sorte de cercle vertueux individuellement et vicieux socialement.
Et même individuellement, il me semble en fait que tomber amoureux, ça rendrait plus malheureux qu’heureux.
L’hypothèse que je fais, c’est que tomber amoureux serait par nature un sentiment inadéquat. Car il surconcentrerait des attentes autour d’un seul individu. Le fait de tomber amoureux serait lié à un impératif social couplo-centré qui rangerait ce sentiment dans la catégorie des névroses ou des pathologies, car l’impératif du couple serait en fait contre nature. Certains américains nomment ce phénomène « one-itis ». « Itis » étant le suffixe des maladies en anglais. On pourrait traduire en français par une mono-éose, une individu-ose, une élu-ole ou tout simplement une maladie d’amour… Celui ou celle qu’on a choisi serait un nid à attentes affectives irréalisables, les plus souvent laissées insatisfaites et toujours un peu écorchantes même après les bisous, les câlins et les coups de reins et parfois même pendant.
Tomber amoureux serait donc le symptôme d’une maladie de l’imaginaire orchestrée sociologiquement par l’impératif d’être en couple exclusif. Si je déconstruis mon éducation amoureuse élaborée dans un système d’oppression patriarcale, alors peut-être arriverais-je à me libérer de cette névrose de religion et enfin ne plus me faire souffrir bêtement en tombant amoureux. Car tomber amoureux fait souffrir. Tomber amoureux, c’est plonger dans son vide affectif qui a soif de cet Autre fantasmé. Ce vide affectif pathologique qui va nous faire idéalisé l’Autre et nous gâcher notre santé mentale avec des attentes irréalistes : on s’imagine faire telle ou telle chose avec l’être cher et en fait, ça se passe pas comme on aimerait. On fondait en y pensant, on se heurte en le vivant. Alors que quand on tombe pas amoureux, on se fait pas mal, on vit le présent et on le kiffe quoi qu’il arrive avec nous-même et avec les autres. Enfin ça marche comme ça à condition d’avoir réussi sa thérapie. Et dans notre thérapie, il y a le fait de soigner notre névrose de compétition et là dedans, notre besoin de frimer.
La tendresse, la sensualité et le sexe sont des plaisirs naturels sains lorsqu’ils sont partagés harmonieusement, dans le consentement, sans pression et protégés. L’enfantement et la parentalité le sont aussi si les parents sont aptes à pouvoir fournir une parentalité de qualité. Mais pour ce qui est de l’estime sociale, c’est plus ambigu. Ne serait-ce pas là le symptôme d’une pathologie psychologique que de vouloir se valoriser par ce qu’on conquiert sexuellement ? Quelle drôle de coutume maltraitante, ne trouvez-vous pas ? On réduit l’autre à un objet de valorisation sociale, une fierté, un trophée que l’on veut exhiber.
Mais mal vivre cette pulsion de valorisation sociale, n’est-il pas bêtement se soumettre aux dogmes religieux conservateurs ? Dogmes élaborés par les perdants de la compétition sexuelle : les religieux. Quand je refuse de jouer ce jeu et pire quand je le condamne, ne suis-je pas une expression de ma frustration qui me fait souffrir dans ma chair ? J’ai cru que j’allais l’avoir et mon trophée me passe entre les mains… Alors je crie de douleur et d’indignation, je me fais victime, puis je me fais bourreau.
Il semblerait y avoir deux causes racines dans ce phénomène de mal-être de prétendance :
- Je m’illusionne sur ma capacité à gagner les faveurs d’une personne plus désirable que moi ou déjà prise.
- J’aurais vraiment pu gagner ses faveurs, mais je m’y suis mal pris.
Mais là l’idée est moins de travailler à comment mieux se situer et mieux performer à ce petit jeu là (même si c’est un sujet passionnant) que de déconstruire l’injonction à devoir séduire les personnes les plus attractives pour se valoriser illusoirement auprès des potes et de la famille (qui auront plus de chance d’être jaloux qu’heureux pour vous, mis à part peut-être vos parents).
Il y a ici un biais émotionnel assez critique, une névrose sociale. Je crois y gagner sociologiquement, alors qu’en fait j’y perds. Mes parents me mettent leurs désirs inassouvis dans la tronche, puis les films, les pubs et tout le tralala et quand on gagne, on génère de la frustration… Et puis jouer à ce jeu là, c’est se soumettre en fait. On a peur des commentaires négatifs alors on s’arrache pour aller chercher les commentaires positifs. Et à force de s’arracher, on s’abime. Pourquoi notre cerveau est-il si sensible aux signes de reconnaissances positifs de mes parents ? Parce que mon système psychique n’a pas su évoluer avec ma montée en autonomie individuelle ? Parce-que je suis insuffisamment capable de produire toute l’étendue de ma liberté et de mon autodétermination ?
Alors, comment puis-je me rendre heureux en amour ?
Première hypothèse : en me libérant de ce que je crois qu’en pense les autres
Deuxième hypothèse : en ne faisant pas de supposition sur une éventuelle partenaire
Troisième hypothèse : en ne courant pas après l’amour, en le vivant, ici et maintenant
Ai-je besoin qu’on me donne de la valeur pour être heureux ? Non.
J’ai besoin par contre, il me semble, de donner de la valeur à la vie pour la vivre amoureusement et être heureux.
Vais-je trouver mon âme-sœur ? Non.
Nous sommes toutes et tous fait de la même substance, seuls nos histoires génétiques, sociales et individuelles nous font être quelqu’un ou quelqu’une. Et ce quelqu’un-quelqu’une sera toujours différent, heureusement. Mais au fond, nous sommes toustes sœur-frère de Substance. Si je suis en communion avec la matière, la vie, l’autre, je n’ai plus besoin d’un idéal à fantasmer, je vis âmoureusement et toute rencontre avec une autre âme est un bonus, que cette âme et la mienne en arrive à l’intimité, c’est du bonheur en plus, si l’autre âme est trop névrosée pour cheminer jusqu’à mon intimité joyeuse délivrée des normes sociales, alors tant pis, j’en fais pas une maladie. Et si mon attention est trop égocentrée ou mes névroses trop réactivées, alors tant pis, il n’y aura peut-être pas d’intimité maintenant ou plus tard avec la personne que j’ai pu déséduire, j’en fais pas une maladie. Être malheureux n’y changera rien, bien au contraire.
Peut-on être amoureux d’autre chose qu’un être humain ? Oui.
Le sentiment amoureux, c’est un dosage d’hormones qui fluctuent dans notre système nerveux : ocytocines, dopamines, endorphines… On peut se sentir amoureux sans avoir d’objet d’amour, on peut se sentir amoureux en se droguant ou en faisant le vide. On est amoureux quand on sent l’harmonie, quand on est dans le feel good des good vibes.
En fait, être amoureux, peut échapper aux troubles névrotiques qui s’agglutinent autour de la reproduction ou de la compétition. La frustration autour de ça produit une construction mentale inadaptée avec un partenaire-trophée qui détiendrait la clé de mes récompenses hormonales. Or, la clé, c’est nous qui l’avons. Mais on nous a appris à la donner, alors on jouit et on subit des comportements de nos amours.
Tout cela est une construction sociale, imaginaire et performative qui participe de notre maltraitance humaine. Si je suis maitre en ma demeure, mon corps, alors je peux me rendre capable d’un imaginaire performatif qui me rend heureux même lorsque les comportements des autres ne me valorisent pas. Je peux être heureux seul, oui. Je peux échapper à ma détermination génétique et à ma domestication sociale, oui. La puissance de la conscience et de l’attention harmonieuse peut faire des miracles.
Et vu que vivre entouré et faire des trucs kiffants ensemble est plus puissant que vivre amoureusement seul, enrelationnons nous, même quand ça sonne pas comme on veut autour de nous. Concentrons nous sur notre partition à nous, celle qui sonne avec des notes harmonieuses quoi qu’il arrive 🙂
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