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C’est marrant quand même comme notre cerveau est plus souvent un réalisateur de scénarios de films catastrophes ou d’épouvantes que de films réalistes et positifs quand il s’agit de confrontation. C’est d’ailleurs fascinant ça qu’on soit autant des machines à biaiser la réalité. On devrait se contenter de nous apprendre ça à l’école. À bien penser et à bien se confronter. En faisant pas de suppositions et en apprenant juste à devenir de bons metteurs en scène d’existences. Le matériau de base pour ça serait le réel capté avec de la science et de l’émerveillement. On apprendrait à faire ça toustes ensemble avec nos myriades de corps, de domestications et de points de vue ou de non vue, on apprendrait à se libérer pour mieux être et créer ensemble…
Fabien t’as encore du taf pour mieux maitriser ta pensée, t’es quand même très sujet aux divagations…
Tout ça pour me dire qu’un coming out, ça a bien plus souvent d’impact émotionnel pour soi que pour les autres. L’égocentrisme a peut-être ici son avantage. Une fois les gens rassurés qu’on ne va pas leur imposer ce qu’on fait pour soi, ils se font plutôt bien à l’idée que d’autres, même des proches peuvent vivre certains comportements en dehors de la norme. Enfin, ça, c’est si on n’a pas à faire à des psychopathes-dogmatiques avec du pouvoir. Ça peut être dangereux le « Nous » quand même, quand on y pense. Le « Nous » dirigé par un tyran, ça vous impose son « Je ».
Quoi qu’il en soit, la perte ou le conflit sont trop couteux, et la plupart des humains choisissent plus aisément le plaisir et la paix. Mes parents ont finalement fini par comprendre et à ne pas nous rejeter Safae et moi.
Mais maintenant, c’est à moi de me sentir rejeté. Et ça, parce que Safae veut étendre son «nous», mais cette fois-ci sans moi…
– Ecoute Fabien, je suis fait de liberté et tu sais à quel point je ne me retrouve pas dans les attentes qui enferment. C’est pour ça que je te propose un cadre libérant, mais c’est pas pour détruire ce que l’on a construit, c’est pour pas qu’on s’enferme dedans comme dans une prison.
– Tu es tombée amoureuse de Vanessa et je me sens écarté, c’est ça que je suis en train de vivre là. Je comprends ta vision mais c’est éprouvant pour moi. Il y a une asymétrie d’intérêts pour ton cadre libérant. Toi, tu as un accès plus facile pour partager de l’amour, moi, actuellement je n’ai que toi à aimer d’autre que moi.
– Et ça ne te suffit pas ?
– Bin si, justement ça me suffit.
– Et bin alors, où est le problème ? Je te fais confiance petit chéri pour être autonome dans ton amour. Tu as le droit d’en faire ce que tu veux comme j’ai le droit d’en faire ce que je veux.
– Oui je sais que tu as raison, mais là en l’état du moment, tu y gagnes avec ton cadre et moi j’y perds.
– Je comprends que ça soit éprouvant, tu perds de l’attention, mais de l’attention contrainte, ça marche jamais, ça va m’abimer. Tu veux que je m’abime ?
– Non, je ne veux pas que tu t’abimes bien sûr petit coeur, c’est moi qui m’abîme dans une forme de victimité abusive là. Mais je vais arriver à surmonter ça.
– Mais oui, tu vas rejouer les amants funs et festoyants et tu vas kiffer, je ne m’en fais pas pour toi. Et on s’aidera mutuellement. J’aime ta biologie, ton esprit et ta liberté tout aussi fort qu’hier tu sais. Il est solide et profond notre amour, j’ai juste besoin de relations infinies et de nouveauté créatrice. Cette liberté qui s’ouvre à l’intimité partagée partout, tout le temps et qui nourrit l’amour, qui l’étend, l’alonge et l’agrandi. J’ai envie de nourrir mes amours. Tu en est un et ce n’est pas en m’enfermant avec toi qu’il sera plus grand, il sera plus aigri de ne pas être libre, il moisira. Alors que l’ouvrir sans limite le nourrira et là-dedans je ferais tout pour qu’il nourrisse le tien aussi, le nôtre aussi. D’ailleurs tu as quoi de prévu vendredi ? On pourrait aller faire la fête tous les trois avec Vanessa ?
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