Qu’est-ce que l’amour et qu’est-ce qui lui fait obstacle ?

Je définirais le verbe « aimer » comme le phénomène sensoriel et psychologique qui fait qu’on apprécie et qu’on est attiré par quelque chose.

Plaisir et amour sont profondément liés

Aimer est un doux désir, ressenti par le plaisir dopaminergique et ocytocinique que notre « bio-corpo-socio-spiritualité » orchestre, il est le phénomène psycho-hormonale de la confiance, de la motivation et de la fidélité. Il donne à notre corps-être du plaisir quand notre imagination et notre expérience servent les intérêts de notre puissance existentielle :

  • corporelle → ce qui nous nourrit et nous fortifie physiquement.
  • biosociologique → ce qui nous permet de nous reproduire et de nous renforcer collectivement.
  • transcendentale → la beauté du monde et ce que nous lui apportons.

Tout cela produit du kif en nous quand on se met en mouvement et en réalité vers ça et c’est ce « kif serein en mouvement-vers » que j’appelle l’amour.


0. L’antagoniste de l’amour : la victimité

« Là où il y a de la joie, il y a de l’amour » disait Spinoza, on pourrait dire aussi « la où il y a de l’anxiété et de l’agressivité, il y a de la victimité ».

On ne peut pas aimer et se sentir mal. S’attacher et se sentir mal, ça oui, c’est possible, et même c’est fréquent et potentiellement lié (on le verra à la fin de cet article).

Quand on se sent victime, on a envie d’éviter, de cogner ou de sursauver, tous ces trucs qui n’aident pas à aller bien et qui enveniment la situation. Se sentir blessé, rejeté, dévalorisé, ça fait souffrir. Et là, on est sur la même échelle que celle de l’amour, car si on ne se sent plus ni blessé, ni rejeté, ni dévalorisé et qu’on en vient à se sentir apte, accepté et valorisé, alors la victimité (c’est-à-dire la souffrance psychologique) s’efface au profit de l’amour.

Et vu que Le rejet social active les mêmes circuits que la douleur physique (Cfr. études d’Eisenberger, 2003 ; et Lieberman, 2013), on pourrait aller jusqu’à dire « là où il y a du manque d’amour, il y a de la douleur ».

la victimité, ce n’est pas juste “avoir mal” : c’est être isolé dans la douleur. L’amour, ce n’est pas juste “se sentir bien” : c’est être accueilli dans la vie et reconnu dans son être.

L’amour est en fait une force d’intégration ; lorsqu’on s’écarte ou que l’on chute de cette force, on peut se laisser séduire par sa rivale, la force de désintégration, qui nous fait du gringue avec de la victimité et qui nous la fait entretenir en nous et autour de nous, avec de la punitivité agressive et disproportionnée ou de l’attachement nocif et amplificateur.

Et heureusement : plus on se sent relié en profondeur, moins la souffrance du rejet n’a de prise.


1. Le filtre de l’amour : l’idéalisation

Le mot « amour », lorsqu’il est utilisé pour parler du phénomène de la passion amoureuse sous-entend une notion plus forte que « aimer » et introduit le phénomène de la fascination piègeuse.

« tomber amoureux de », c’est « sur-aimer ».

Cela se produit lorsqu’il y a asymétrie entre l’apport réel de l’objet d’amour pour notre puissance existentielle et notre attrait-attachement pour celui-ci.

Il y a ici un phénomène de fascination qui monopolise notre volonté le temps de l’effet de l’enchantement.

Quand on idéalise, on se donne la possibilité de tomber amoureux, et donc de souffrir inévitablement :

  • soit à travers des attentes pénibles
  • soit par des réalisations frustrantes

Il y a ici une forme de spéculation affective, qui excite notre système d’attraits et déséquilibre notre cognitivité, notre émotionnalité et notre capacité à agir. Ce processus peut en venir à monopoliser nos pensées, nous rendant moins performants existentiellement. Comme toute spéculation, cela mène inévitablement à une crise, voire à un crash.

Le crush amoureux engendre le crash affectif 😉


2. Le videur de l’amour : la perte de sensibilité

En gros, soit on le ressent trop, soit on ne le ressent plus assez.

Trop d’amour, cela pose problème à notre puissance de réalisation et à notre bien-être psychologique, en nous faisant osciller entre trop-plein d’engouement et trop-plein de déception

Pas assez d’amour, cela nous prive de notre jouissance de vivre et nous plonge dans un état zombie plus ou moins dépressif…

Si l’excès d’amour est concomitant avec l’idéalisation, alors avec quoi est concomitante sa carence ?

Avec la désidéalisation ?

Non.

La désidéalisation, bien qu’atténuant la fascination, est aussi protectrice contre les trop-vides et les trop-douloureux post-fascination. Elle est en réalité le seul médicament cognitif existant pour se prémunir contre cette pathologie.

En revanche, la carence en amour est concomitante avec la désensibilisation, voire avec une dissociation entre notre sensation biologique et l’agitation de notre cognition.

Je postule ici que l’amour est le bien de l’être.

Et qu’est-ce qu’être, sinon ressentir et choisir ?

Nous sommes des âmes sensitives, générées par de la biologie corporelle, qui possèdent le don de décider et d’expérimenter en « âme et conscience ».

Attention, accrochez-vous, j’arrive pas à décrire le phénomène plus simplement sans diluer la précision du phénomène que j’ai ressenti :
« L’être-âme » que génère bio-cognitivement le corps dans une expression sensorio-immatérielle de nous-même, offre le miracle biologico-individuel de l’expérimentation d’un champ de conscience-action qui permet de le mouvoir, de le faire parler, de le faire penser, de le faire créer sans que l’âme générée puisse s’identifier à toutes la physique atomique et moléculaire qui le constitue ; une bonne partie de ce qui nous donne la vie en tant qu’âme reste imperceptible sur les plans physiques et moléculaires et plus ou moins sensible et conscient sur le plan organique et émotionnelle.

Ressentir et expérimenter, voilà toute l’étendue de notre puissance existentielle humaine…

Mais le souci là dedans, c’est que l’être, il peut se perdre dans le faire :

  1. Sous l’effet de la domestication humaine, notre champ de conscience-action se réduit. Nous agissons sans intérêt immédiat pour notre biosociologie, voire contre elle, par peur de la punition ou attente de récompense.
  2. Sous l’effet de la traumatisation, nous sommes assaillis d’inquiétudes. Notre cerveau tourne en boucle dans des scénarios inutiles et répétitifs, nous coupant de notre sensation corporelle.

Ici, on ne ressent plus grand-chose, sauf des tensions.

On s’habitue aux mauvaises sensations, car on n’agit plus en faveur de notre biologie et de sa propension à développer toute l’étendue de sa puissance naturelle, sociale et culturelle.

On peut chercher alors à atténuer ce mal-être dans l’alcool, les drogues et les distractions…
Pour aimer, il nous faut reconquérir notre âme.
Et pour bien aimer, il nous faut une belle âme.

C’est à dire qu’il faut prendre soin de notre sensitivité intérieure, en se rendant le plus présent et entier possible à elle. Faire conscience sans cognition intellectuelle. Cognition qui est devenu du « faire » désensibilisé à force de domestication et de traumatisation et parfois de pathologie génétique. Lâcher prise et désactiver l’opérance d’idées compulsives. Le « bon de vivre » n’existe que dans l’éternité éphémère et plus où moins intense du ressenti dans le présent pur, nu de toute idéalité, en pleine réalité sensitive, telle qu’elle est, sans jugements, ni illusions, vis à vis de « qui » cela doit être et de « quoi » cela doit faire.

Cet état si resourçant, si essentialisant, si bon à vivre, d’âme à âme, dans le miroir de notre être-conscience, délivré de tout agir, de tout devoir être, nous fait faire par le vide, le plein d’appétit d’agir et de non agir pour le kif et la beauté du monde.

Il existe donc un remède à la désensibilisation à l’être naturellement aimant : la méditation.


3. Le piège de l’amour : le mauvais attachement et la surdépendance

Lorsqu’un objet d’amour est opérant (car il satisfait un besoin), un phénomène d’attachement se crée.

L’effet positif de l’objet aimé sur notre puissance existentielle produit du plaisir (appétence, envie d’y retourner).

Ensuite, sécuriser ce plaisir devient une source de plaisir en soi → le processus d’attachement s’enclenche. On s’identifie alors à la source de plaisir investie. Elle nous constitue neurosociobiologiquement et nous biaise individuellement. Rendant sa perte douloureuse voire dangereuse si la source de plaisir était reliée à une source de satisfaction d’un besoin vital dont l’accès n’est pas autonomisable par l’individu ou remplaçable par une autre source d’approvisionnement consentente.

Dépendance sociale et attachement affectif vont de paire. Il est bon que l’enfant s’attache, il est bon que la parentalité respecte la vulnérabilité enfantine et encourage l’autonomie et donc la liberté qui est détachement.

la dépendance liée au phénomène biologicosocial de l’enfance et de l’accompagnement parental vers la vie adulte est sain et naturel, comme l’est le processus d’indépendance affective de l’individu devenant adulte. Il est cependant des dépendances alimentaires, stimulantes, et relationnelles qui peuvent devenir toxiques…

L’accoutumance : piège du plaisir-amour mal régulé

L’accoutumance survient lorsque notre organisme laisse un stimulus extérieur remplacer une stimulation biologique naturelle.

Cela produit du plaisir mais abîme le corps.

Exemple :
Quand on mange trop de sucre, notre corps devient résistant à l’insuline.
Et bien, c’est pareil pour toutes les hormones naturelles (dopamine, sérotonine, ocytocine…) lorsqu’elles sont substituées par des apports extérieurs (drogues, relations toxiques, stimulations artificielles), elle dérègle notre réceptivité et notre santé biologique.

Si on gère mal nos relations et qu’on ne fait pas des cures de manque et d’ennui pour résorber nos accoutumances, on condamne notre corps à un dérèglement biologique et notre être à des états de manques liberticides pour notre âme et nocifs pour notre entourage.

Aimer dépathologiquement : se renaturer

Aimer sainement, c’est générer un esprit sain dans un corps sain.
Faire cela sans idéalisation ni attente excessive. On produit alors du ressentir-jouir et de l’agir-désir qui développe et équilibre puissance et jouissance en soi et par delà soi.

Le meilleur amour qu’on puisse alors ressentir, c’est l’attrait pour la puissance jouissive d’insister qui nous donne à bien vivre et à bien exister.

L’étymologie du mot exister vient du latin, « ex », « se manifester, sortir de » et de « sistere », « être stable, droit », qui peut donner : « se manifester à partir de la stabilité ». Signification possible d’insister : « pénétrer dans » ou « aller en la stabilité », et donc en notre essence (ce qui compose l’être et qui change le moins, et ce qui change le moins c’est la stabilité de l’impermanence et du vide), et à travers nous : la nature sensitive, librement agissante, déségocentrée et désanthropocentrée. L’amour se trouve derrière le voile de la domestication abusive, ôtons le délicatement ce voile, et offrons notre nue âme libérée, à la vie et à l’humanité.

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