La Mise au Monde – Chapitre 3

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Noah Pasteval était dans le train. Il regardait à travers la vitre, entre deux pensées, deux paragraphes, pour y saisir un bout de paysage. Il se sentait profondément bien. Il avait de la santé et du pouvoir. Deux notions qui s’entremêlaient et qui chez lui marchaient particulièrement de pair. Il avait créé une multinationale spécialisée dans le traitement intégral de la santé physique et mentale. Et elle se portait de mieux en mieux. Il se demandait si son plan allait fonctionner. Si la concurrence, revancharde et frustrée, n’allait pas encore lui mettre un de ces bâtons dans les roues. Mais au fond, était-ce déjà joué ? Avait-il fait l’essentiel ? Prendre sa place, s’entourer et continuer à croître sur un marché qu’il transformait. Son organisation participait à la révolution médicale. Elle arrivait en matière de santé à faire bien mieux avec toujours moins.

Il est vrai qu’Assia Abebayo l’avait beaucoup aidée avec son Syndicat des Mal Soignés. Il avait pu s’appuyer sur un nombre incroyable de déçus des systèmes de santé publique. Ensemble, ils dénonçaient les problèmes du service public et les vices de l’industrie des médicaments. Dans un monde où la médecine en était venue à trop oublier que dans tout corps, il y avait aussi un esprit. Un esprit fait de sensation qui avait, avant tout, besoin d’être rassuré, compris et soigné. De plus en plus de pays ont commencé à mieux réformer leurs politiques de santé. Ils ont appelé cela Assia et lui, le dispositif en tenaille. D’un côté, la pression des citoyens, de l’autre, la démonstration scientifique et économique. Il avait compris qu’il fallait bien ajuster la mâchoire, au bon endroit et au bon moment. Couper les mauvaises règles et en mettre de meilleures.

Il était le plus grand donateur de la Ligue des Vivants. Il versait des millions d’euros, tout ce dont le syndicat avait besoin. Une force citoyenne et politique émergeait. Elle dénonçait Big Pharma, les privilégiés et les capitalistes qui tiraient encore profit du crime. Noah était un entrepreneur humaniste et scientifique. Ça l’agaçait qu’on le traite de capitaliste. Pour lui, son capital, c’était un outil, un pouvoir utile et stratégique. Une force de changement pour un monde à vivre, pleine joie, pleine santé, pour tous les corps et toutes les cérébralités.

Avec l’investiture de Vesperin, il pouvait participer à un projet de loi. Cela lui permettrait d’expérimenter en France, une avancée majeure pour l’humanité. Une réforme complète du système de santé qui impliquerait aussi le système d’éducation. Car c’était pour Noah, à l’école, qu’il fallait préparer les esprits au bonheur et à la santé. C’était là qu’on pouvait aider les futurs adultes à prendre mieux soin d’eux et de leurs relations. En faisant bien cela, on réduisait les consultations, les accidents et les maladies. La science démontrait de jour en jour, et de mieux en mieux, toute l’étendue de ce phénomène.

Noah Pasteval abordait la santé physique, mentale et sociale comme un tout. Soigner efficacement la biologie, guérir l’esprit, améliorer la société, les trois en un. Il avait rendez-vous avec le Président Lucio Vesperin, c’était lui qui l’avait recontacté. Noah l’avait aidé sur la confection de son programme en matière de santé.

Le syndicat était passé par là avant les élections. Ils avaient manifesté et mené des campagnes de communication pendant plusieurs semaines. Il y avait même eu des grèves de la faim. Ils s’étaient rassemblés devant les hôpitaux, les centres médicaux et le Ministère de la Santé. Leur mot d’ordre : « Puissant ou impuissant, même traitement ». Demande n°1 : plus de files d’attente de plus d’une heure. Demande n°2 : avoir un diagnostic, sous 48 heures, peu importe la spécialité. Demande n°3 : avoir un début de traitement, sous une semaine. Sinon, ils menaçaient de bloquer la circulation, de faire la grève au travail et de ne pas payer leurs impôts. Ils l’avaient déjà fait par le passé et ils avaient obtenu une victoire historique. Une hausse de 15 % du budget d’Etat pour la Santé.

Noah avait mis au point un système pour traiter les consultations et les urgences de manière optimisée. Il coûtait significativement moins cher que le système actuel. Il ne restait plus qu’à l’adopter législativement. On allait remplacer 80 % de l’activité des médecins par de l’Intelligence Artificielle. Les médecins, qui étaient perdants, montaient au créneau et organisaient la réaction. À leurs côtés, l’industrie pharmaceutique l’était encore plus. Le projet allait faire fondre leur marché comme peau de chagrin et descendre à environ 20 % de ce qu’il était. Et ils n’allaient pas laisser faire ça si facilement, pensait Noah en s’y préparant.

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