Quelle identité nous donner ? Quel être être pour bien être ?
Pourquoi ces questions sont-elles si philosophiquement importantes, si fondamentales ?
Parce que nous sommes dotés de conscience. Et la conscience, ça fait quoi ? Cela génère de la représentation. Et cette représentation, elle sert à quoi ?
Elle sert à nous opérer, à nous faire être, à nous faire faire et à nous faire advenir. Notre représentation nous fait, elle nous construit, elle nous fait réagir, co-intervenir et devenir.
Nous sommes libres de nous définir et de nous redéfinir, en notre essence, avec réalité et illusion.
Essence, créance et existence, les trois en un.
Première question : quel lien y a-t-il entre ce que l’on se représente de nous et ce qui fait notre force et notre bonheur ?
Si je me représente comme un individu ou un groupe sans valeur, sans capacité, ni potentiel ; je vous laisse imaginer ce qu’il risque d’advenir de moi ou de nous. Pas du bien en tout cas. Ah non ça, pas du bien…
Par contre, représentez-vous comme un individu et dans une communauté pleins de valeur, de capacité et de potentiel, ce que vous ferez de votre vie et de votre communauté sera éminemment créatif, éminemment important, plaisant et constructif.
Donc oui, la représentation positive mène à une motivation et une approche positive.
Mais là où ça coince, c’est lorsque cette représentation se surestime. Toute surestimation est mal opérante et à haut potentiel dévalorisant. Quand on surestime, on s’écorche avec la réalité.
Il faut donc penser du bien de nous et se représenter justement.
Ajuster continuellement la représentation de soi, des autres et des groupes afin qu’on opère son être et son agir, soigneusement, sans survalorisation puérile ni dévalorisation débile, sans conflits fâcheux et inutiles.
Deuxième question : qui sommes-nous, ou plutôt quoi sommes-nous ?
Ce que je veux faire toucher du doigt avec cette question, c’est la distinction philosophique fondamentale entre la notion de sujet et d’objet.
Qu’est-ce qui nous a amenés à inviter le pronom « qui » en lieu et place du pronom « quoi » ?
Nous nous sentons comme être en tant qu’être. Nous ne nous ressentons en tant que personne, pas en tant qu’objet. Pourquoi ?
Parce que nous sommes déterminés et influencés, certes, mais nous ne nous réduisons pas à cela. Il y a de la liberté qui opère en nous. On sent bien qu’on est dans la vie et la représentation comme un être pensant et vivant, animalement, socialement et individuellement. Nous sommes comme dans un jeu à la première personne. Nous sommes libres. Libres de choisir et de décider, d’aller là où le réel peut nous faire des passes, des impasses et des passerelles. Libres de faire ce que l’on peut, avec ce que l’on a été fait, matériellement et culturellement. Notre capital physique et culturel, c’est un point de départ, pas une fin. Nous sommes en grande partie déterminés, comme nous sommes en grande partie autoredéterminables. À vous de choisir votre camp, à vous de choisir votre prison de relations ou votre liberté culpabilisante.
Oui, culpabilisante, car il y a une force dans ce monde, une force sociologique qui s’appelle l’inertie sociale, appelée « reproduction sociale » par le fondateur de la sociologie moderne, Émile Durkheim. L’inertie sociale est maintenue par un liant qui fait que les individus gravitent dans des sphères et des milieux sociaux assez étanches. Ce liant, c’est la représentation de soi en tant que genre, en tant que famille, en tant que communauté, en tant que classe sociale, en tant que citoyen ou non, plus ou moins valorisé, plus ou moins accueilli et encouragé à agir à telle ou telle place en société. Ce liant, c’est l’idée que nous nous faisons de notre identité. L’identité appelle l’appartenance et l’appartenance appelle la responsabilité d’être fidèle à ce que les autres se représentent de nous. Nous sommes en partie écrasés par le jugement et les attentes que se font les autres vis-à-vis de nous. Instrumentalisation sociale qui avance de pair avec le fait de ne pas remettre en question notre docilité sociale : notre propre identité.
Mais libre à nous de la faire changer cette représentation, de changer ou de conserver les liens en fonction de l’aptitude des autres à nous accueillir et nous représenter en tant qu’être fondamentalement libre, en tant que sujet et non en tant qu’objet de leurs attentes ou instruments de leurs volontés.
Troisième et dernière question : qu’est ce qui fait que des parts de nous et des autres cherchent à instrumentaliser les autres ?
Pourquoi la liberté personnelle, n’est elle pas la norme ? Pourquoi est-ce la soumission aux autorités qui l’est ?
Et ben, c’est simple, voici le processus : Il y a chez l’être humain une aptitude (et/ou lacune) à se représenter une identité commune. La mère et l’enfant, le couple, la famille, le clan… Quand on naît, on ne fait qu’un avec la mère. Et je ne parle pas de naître comme l’acte de sortir du ventre de sa mère, mais du phénomène de la création intra-utérine. Et dans ce phénomène la sensation et la représentation de la fusion maternelle persistent tant que l’individu ne fait pas le deuil de cette séparation. Moins ce deuil est fait et plus l’individu se représentera lié à l’autre, aura du mal à se sentir profondément et justement séparé. Réagissant et exigeant des autres ce qu’il éprouve et exige de lui-même. Ne pas faire ce deuil, c’est devoir en passer par la perversion et la maltraitance de soi et des autres.
Maltraitance de soi, car comment bien agir, soigneusement et librement si on a une attache affective imaginaire ?
Maltraitance des autres, car comment bien composer avec autrui, si on attend d’eux ce qu’il ne sont pas : des extra-soi ?
Ajoutez à cela le phénomène des rapports de domination entre ceux qui ont le plus de force, d’argent, de pulsions et d’ambition, et cela vous donne l’enfer dans lequel nous évoluons.
Renouer avec notre pleine individualité, c’est se soigner, c’est se donner une chance de respecter la pleine liberté d’autrui autant que la nôtre. C’est nous donner la possibilité de la déconstruction créative, de la liberté salvatrice de jouer sainement et pleinement l’existence à la première personne dans le respect des autres, même lorsqu’une part d’eux-mêmes nous est hostile et qu’il nous faut y résister.
Séparé ne veut pas dire être égoïste, cela veut dire être libre. Libre de faire comme on le souhaite, à notre sauce, avec nos idées et nos besoins, face aux attentes et aux intérêts des autres plus ou moins soignés, plus ou moins libérés, comme nous le sommes plus ou moins nous-mêmes. Avec nos besoins physiques et sociaux et notre besoin majeur et essentiel : vivre en harmonie.
En harmonie individuelle et collective. Vaste chantier intérieur de paix et d’amour. Vaste chantier relationnel de communication positive. Vaste chantier extérieur de transformation sociale et écologique. Car nous venons du monde, et nous y sommes liés. Non pas psychologiquement, mais essentiellement.
Laisser un commentaire