Que faire de ma vie ?

En fait, là, je suis en train de me poser la question du choix du sens de ma vie.

Quand je parle de sens, 4 notions me viennent en tête :

  1. le sens comme réceptivité (« je sens, j’entends, je vois, je perçois ou je comprends)
  2. le sens comme direction (« dans ce sens »)
  3. le sens comme cohérence (« c’est du bon sens »)
  4. le sens comme signification (« ça fait sens »)

Si on s’attarde sur les deux derniers, qui me semblent les plus intéressants à creuser :

  • La cohérence renvoie aux notions d’appartenance et de logique, toute logique renvoie à un fonctionnement qu’on constate.
  • La signification renvoie aux notions de signes et de symboles, tout symbole renvoie à une image ou à une histoire qu’on se raconte.

En développant avec ma question, « que faire de ma vie ? » :

  1. Qu’est-ce qui donne de la cohérence à ma vie ? -> En d’autres termes : à quel monde je me sens appartenir, quel fonctionnement ai-je avec lui ?
  2. Qu’est-ce qui donne de la signification à ma vie ? -> En d’autres termes : quelle est l’histoire réelle dans laquelle je suis, quelles sont les histoires fictives qui m’inspirent ?

Ainsi, quand je décide quoi faire de ma vie, je me raccroche plus ou moins consciemment à des histoires avec des enjeux (spirituels, anthropologiques, politiques, économiques, collectifs, personnels) et je m’ancre dans des communautés dans lesquelles j’apprend à jouer des personnages, des positions sociales avec un statut comme devoir être un fils, un frère, un ami, un conjoint, un professionnel, un partenaire, un responsable…

Les histoires et les enjeux, les personnages et les entourages, tout ça, ça change, bouge et évolue au cours de la vie.

Alors on se raconte d’autres histoires, on essaye de jouer d’autres rôles. Et tant qu’on joue le rôle que les autres veulent qu’on joue et qu’on est pas assez ce que l’on joue, et bien on se rend malheureux, on s’aliène, on se frotte constamment à la contradiction la plus déterminante de notre humaine condition : moi et les autres.

Qui suis-je ? Qui ai-je envie d’être ? Deux questions qu’il semble important de se poser avant de décider quoi faire.

A qui veux tu jouer ?

Au delà des questions métaphysiques et ontologiques, il y a ici plus concrètement la question du faire, de l’agir.

Structurer ses activités, être stimulé par elles et reconnu pour elles sont les enjeux constitutifs de toute psyché humaine.

Stimuli, structure et reconnaissance sont les 3 besoins humains définis comme vitaux par le Dr Eric Berne, fondateur de l’analyse transactionnelle.

Ce qui me frappe, c’est que ces 3 besoins se retrouvent dans tout bon jeu où l’on « s’âme-muse » avec :

  • Des règles du jeu qui contraignent et structurent
  • Une histoire, un but, un niveau de difficulté qui stimulent
  • Des personnages valorisants avec des réalisations qui apportent de la reconnaissance

Quand la vie n’est plus un jeu, elle peut devenir une corvée.

Que faire de ma vie ? -> Ou devrais-je dire plutôt, à quels jeux ai-je envie de jouer ?

Les jeux des intérêts matériels

Il y a dans le choix des rôles que je veux jouer, une recherche de cohérence avec mes intérêts, mes attraits et mes valeurs.

En fait si on s’y penche un peu, on s’aperçoit que ces 3 critères sont en interaction, il y a même des intrications qui complexifient la compréhension des causalités à l’œuvre entre nos valeurs, nos intérêts et nos attraits. Approfondissons donc.

  • Mes intérêts concernent les enjeux liées à des ressources importantes pour moi.
  • Mes attraits concernent les plaisirs liées à des sensibilités importantes pour moi.
  • Mes valeurs concernent les attitudes liés à des jugements importants pour moi.

L’enjeu matériel d’accès aux ressources apparait prédominant quand on analyse les sociétés humaines. Si je pousse cette approche : les intérêts prédominent et les valeurs et les attraits ne sont que les reflets cohérents de la satisfaction de ceux-ci.

Par exemple, si je suis riche, je choisirais des valeurs qui auront tendance à justifier ma situation matérielle de privilégié, je pourrais alors me dire : « tout le monde à le droit d’être riche, ta pauvreté n’est pas mon affaire et elle dépend avant tout de toi ». Cette situation privilégieront aussi des attraits pour des objets et des loisirs qui me renforcent dans ma classe sociale, je jouerais au golf et je collectionnerais des œuvres d’art, je me passionnerais pour les affaires, le management et la politique.

Les intérêts matériels semblent en effet influencer grandement la détermination de nos valeurs et de nos attraits personnels vis à vis des autres.

Mais qu’en est-il des intérêts spirituels écartés par l’approche matérialo-gauchiste qu’ont épousé mes collègues de travail ? Réduit pour eux à un agent culturel qui endort le peuple : « la religion est l’opium du peuple ». Cependant le religieux est une force d’endoctrinement collectif qui détourne un désir de spiritualisation authentique. Le religieux est partout là où du pouvoir veut assujettir.

Un intérêt matériel comme on l’a vu plus haut renvoie à un enjeu d’accès aux ressources matérielles et donc de possession de biens, de relations et de pouvoirs. Centre de gravité majeur des désirs humains.

Les jeux des intérêts spirituels

Cependant on ne peut expliquer tous les comportements humains avec cette seule approche matérialiste.

Pour ma part, j’y reconnais une prédominance, une hypothèse étant que l’approche spirituelle serait en quelque sorte la « matière noire » à l’œuvre dans certains comportements à la marge en matière de sociologie.

Elle explique peut-être le fait que j’ai réduit mon pouvoir d’achat, mon prestige et mon champ de pouvoir de directeur d’usine pour m’inscrire dans une aventure plus spirituelle et humaine en philosophant et en travaillant dans le champ social. Ce changement s’explique aussi matériellement par des incidents et enjeux relationnels dont un divorce et une amitié forte.

Ce changement a été motivé aussi par des dynamiques d’intérêts matérielo-spirituels comme reprendre du pouvoir d’autodétermination face à des formes d’aliénation qui me rendaient malheureux quand j’étais un agent au service du Capital. Et qui me rendront malheureux en devenant un agent au service de la Lutte.

En gros il faut se méfier de nos valeurs qui sont en fait le plus souvent que des justifications à posteriori de notre parcours social.

Il faut se méfier de nos attraits qui sont souvent une issue plus ou moins socialement admissible à une forme d’échec ou de réussite sociale. Par exemple à chaque fois que je me loupe sur le plan professionnel, l’attrait pour l’écriture revient.

Bref qu’en on parle de spiritualité, il faut y aller avec des pincettes si on ne veut pas s’écarter de la recherche du vrai.

Le spirituel renvoie à l’ensemble du champ d’expériences intellectuelles, sensibles et philosophiques que l’on peut expérimenter dans le fait d’exister.

Un intérêt spirituel renvoie à un enjeu d’accès aux ressources spirituelles et donc de communion avec la vie, la pensée et la création. Centre de gravité majeur des dépassements humains sur le plan intérieur.

  • Mes intérêts spirituels concernent les ressources philosophiques qui me permettent de surmonter psychologiquement des événements dysharmoniques.
  • Mes attraits spirituels concernent les plaisirs liés à des compréhensions et des sensations en lien avec l’harmonie.
  • Mes valeurs spirituelles concernent des explications relationnelles avec ce qui me dépassent et dont je me sens faire partie en lien avec une transcendance.

Je constate chez moi que le niveau de spiritualité ou de matérialité en présence dans mes attraits-valeurs est le résultat de l’appétence de mon être pour des récompenses matérielles ou spirituelles.

Goûter aux récompenses psychiques des états de conscience connectée-harmonieuse-transcendée qu’apporte la spiritualité semble contrebalancer le mécanisme physico-biologico-animal de mon cerveau qui naturellement est plus enclin à m’activer pour des récompenses psychiques qu’apportent la matérialité au travers la satisfaction des intérêts de mon corps, de mon espèce et de mon ego.

L’accès aux ressources spirituelles peut être considéré comme une dynamique individuelle dont l’enjeu relationnel se limiterait à pouvoir accéder aux états de conscience, aux écrits, aux paroles et peut-être parfois aux substances qui permettent de se mettre en connexion avec la vie, la pensée et le Tout.

Tout à l’heure, l’approche marxiste m’a permise d’éclairer ma réflexion sur l’importance du matériel sur les agissements humains et le jeu de dupe social des vertus comme une justification sociale dont l’origine est en fait très souvent purement matérielle.

Si je m’amuse à transposer cette approche marxiste sur le champ des intérêts spirituels alors l’obstacle à la spiritualité humaine serait avant tout le fait que la culture humaine prédominante ne nous apprend pas à nous spiritualiser mais à nous soumettre à des enjeux matériels de dominants. Ainsi, politiquement, l’obstacle se situerait au niveau de l’asymétrie des pouvoirs entre les forces culturelles harmonisantes et les forces culturelles productivistes et « dominisantes ».

Au-delà des considérations sociales, la domination extraspécifique de l’humanité et l’usage intensif des ressources naturelles pour nourrir notre folie consumériste agresse le fonctionnement de la vie terrestre et produit actuellement un effondrement de la biodiversité et un réchauffement climatique.

Si la domination, l’appétence matérialiste et la pollution générée par l’humanité ne sont pas régulées, l’humanité s’effondrera et une bonne partie des espèces encore en vie aussi. Voilà la prémisse du scénario politique dans lequel le rôle de militant nous embarque.

Un « non-maitre » des jeux pourrait enchainer avec :

« Pour arriver à vos fins et sauvez l’humanité, vous vous appuierez sur le fait que la domination exploitatrice est l’ennemi commun de l’écologisme, du socialisme et du spiritualisme. Belle partie à vous »

Qu’est ce qui fait concrètement obstacle au fait de m’amuser à vivre ?

Plus individuellement, ce en quoi je peux m’avancer en l’état de mes réflexions, c’est que mon enjeu existentiel à l’aune de mes 40 ans est de renforcer la force de gravitation de la spiritualité dans ma vie pour apporter un équilibre à mes agissements matériels.

Je veux jouer à vivre et à penser, animalement, politiquement et spirituellement.

L’obstacle psychologique à ça est pour moi l’esprit de gravité. il y a dans l’ambiance existentielle des adultes une force de pesanteur qui brime la légèreté de l’esprit joueur et rieur de notre enfance.

D’où vient la place souvent trop importante que notre esprit consacre à cette gravité ?

J’aurais-envie de dire que la réponse se situe dans la fonction sociale de la responsabilité. Quand on prend des responsabilités on se prend au sérieux et on peut tomber dans des jeux psychologiques pas très cools. Déplions donc ce phénomène social.

La responsabilité est l’obligation faite à une ou plusieurs personnes de répondre de ses actes du fait du rôle, des charges qu’elle doit assumer et d’en supporter les conséquences.

Mais pourquoi faisons-nous un truc pareil ?

Nous le faisons en contrepartie plus ou moins consciente de la satisfaction d’intérêts comme :

  • avoir de l’argent
  • être stimulé
  • être aimé
  • être valorisé
  • avoir du pouvoir social

Ce qui peut paraître dommageable, c’est que nos responsabilités servent pas toujours notre bien être. Quand on observe le phénomène, cette transaction humaine produit :

  • de l’accès à des ressources (dont celles rendu accessibles par l’affection des autres comme la camaraderie, l’amicalité, l’amouralité)
  • de la valorisation voire de la glorification pour l’ego
  • mais aussi très souvent des souffrances personnelles que l’on retrouve dans le triangle dramatique

Repartons des intérêts à l’œuvre pour essayer de trouver où le mal s’opère.

Argent et pouvoir sont les ressources qui rendent le bien-être possible :

  • J’ai besoin d’argent pour vivre dans l’exploration, le confort et la sécurité
  • J’ai besoin de pouvoir dire oui ou non, comme ci, ou comme ça aux autres pour mon confort et ma santé psychologique et morale

Mais qu’en est-il de l’amour et de la valeur de soi, suis-je condamné à dépendre du regard et des sentiments des autres à mon égard pour assurer mon bien être sentimental ?

Plus l’amour et l’estime ressentis en soi sont assujettis à la satisfaction que l’on procurent aux autres et plus on se condamne à l’aliénation : à intérioriser les rêves, les besoins et les interdits des autres.

Comment peut-on bien être si l’on est pas ? Si nous sommes l’objet des autres et plus le sujet auto-déterminant de notre propre existence ?

Bien sûr, personne ne peut se construire sans l’intériorisation de pensées et de comportements qui nous viennent des autres. L’enjeu spirituel de l’existence étant, selon moi, de pouvoir choisir de consommer telle ou telle nourriture humaine et intellectuelle pour alimenter nos propres rêves, nos propres désirs, nos propres réalisations.

D’un point de vue pragmatique, beaucoup d’humains sont obligés de se soumettre à des responsabilités aliénantes afin de pouvoir subsister.

Le problème qui se joue ici, c’est qu’une grande partie de nos responsabilités pourraient être repensées afin de mieux équilibrer les rapports entre :

  • bien-être et obligations
  • temps à soi et temps aux autres
  • accomplissements et soumissions

C’est pourquoi le jeu est un point d’approche existentiel intéressant car quand je joue, c’est qu’il y a une place pour moi, qui me permet d’exister tel que je suis parmi les autres, parmi la vie. Le jeu, sans bais de domination, équilibre le « je ».

Si on ajoute la question du sens et du kif, les enjeux sont pour moi une recherche d’optimum avec :

  • subsistance et plaisir
  • responsabilité et jouissance
  • sens et puissance

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