Je me rappelle une scène d’enfance. Je suis en cm1 ou cm2, pendant une récréation, assis sur des marches, j’insulte un élève d’une classe inférieure en présence d’un camarade de classe « t’es qu’une merde, tu pleures comme une pédale » ou enfin des trucs du genre. Il pleure, il souffre et une partie de nous jouit, nous jouissons de cette excitation hormonale qu’est l’humiliation que l’on inflige. Et en cela, il y a le sentiment de pisser ses propres humiliations vécues sur la tête d’autrui.
Et derrière cette excitation, cette récompense hormonale immorale, il y a le fait que c’est bon de dominer, que nos ancêtres en sont arrivés à nous en grande partie grâce à ça : un sentiment de récompense interne envers le fait de se sentir supérieur et dominant. Derrière cela il y a Darwin – j’ai cette réflexion après avoir regardé l’épisode 3 de la première saison de la série « BARON NOIR ». Et derrière cela il y a le nazisme et le capitalisme aveugle à l’écologie. Ce penchant peut nous amener dans les abîmes.
Et puis, il y a le Surmoi, cette part de nous qui vient exercer une pression correctrice sur nos instincts darwiniens les plus primaires en interpellant notre Moi à coups de culpabilité ou en le valorisant à gorgées de fierté. Je me souviens, dans une synchronicité émotionnelle quasi-parfaite avec mon camarade, qu’après la première jouissance perverse est venu le temps des excuses et des séchages de larmes. Excuses détournées en « c’était pour rigoler » et je me souviens même que la victime se mit à sourire en nous disant qu’il nous en voulait pas, qu’il comprenait…
Et derrière cette culpabilité, cette sanction neuronale morale, il y a le fait que nous sommes des individus civilisés, qu’il y a de la compassion et de la domestication en nous. Et à chaque fois que cette opération s’effectue, que le Surmoi domine le Ça, cela produit de la civilisation et du vivre ensemble. Et derrière cela il y a Freud qui nous alerte : le Surmoi peut rendre fou, il peut retourner notre pulsion de prédation instinctive contre nous-mêmes. La soumission au Surmoi nous aliène ; la liberté du Ça, tyrannise.
Le système politique de notre civilisation a été fondé au préalable à partir du pouvoir des plus dominants. L’origine de la civilisation, c’est le pouvoir hyper-concentré à quelques individus. On sait ce que ça produit : la tyrannie, l’exploitation humaine, l’aliénation, la misère existentielle pour la majorité d’entre nous.
Comment améliorer les décisions qui impactent autrui ?
Pour s’opposer à la concentration de pouvoir, qui tyrannise et aliène, il n’y a qu’un moyen : la mise en place de bonnes règles sociales et d’un pouvoir exécutif bien traitant qui contraignent les formes de pouvoirs en présence à plus de partage de pouvoirs. Plus de partage de décisions dans les systèmes de sanctions, de conseils et de récompenses des institutions et plus de partage de traitement dans les systèmes de succession, d’éducation et de loisirs à l’échelle économique. Et pour intégrer des règles progressistes dans les pouvoirs en présence, il y a trois moyens : élire un pouvoir progressiste, opérer une révolution et démodynamiser.
Libéralisation
L’essor du libéralisme a été une bonne forme de combat contre la concentration de pouvoir de l’Etat et de leurs dirigeants, les rois, elle a permis ce qui n’était pas autorisé jusqu’alors : la défection. La défection, c’est la loi du marché contre la loi du privilège, c’est la possibilité du choix entre plusieurs fournisseurs en concurrence au lieu du recours à des oligopoles héréditaires institués par l’Etat. Cela a permis au travers de l’institution du Client, l’essor économique et libertaire des deux derniers siècles.
Le problème avec le capitalisme, c’est qu’il est le gardien du statu-quo : les riches sont de plus en plus riches, les classes moyennes un peu plus moyennes et les pauvres un peu moins pauvres. Bien sûr que dans cela il y a des parcours individuels qui transmutent au sein de ces classes. Mais le Capitalisme, c’est l’entretien des classes. Son but du jeu : le surclassement individuel, son plateau : le PIB mondial croissant, son principe : à celui qui exploite le mieux.
Révolution
La révolution opère un renversement au sein de la pointe de la hiérarchie politique permettant la primauté d’intérêts de catégories d’acteurs jusqu’à l’heure trop réprimées. Le problème avec les révolutions c’est qu’elles renversent souvent le système mais pas la tyrannie, elles font passer d’une concentration de pouvoir à une autre. La révolution française a ôté les rois du pouvoir pour y ériger le Libéralisme et son Capital, la révolution soviétique a ôté les tsars du pouvoir pour y ériger le Parti et ses petits pères humanicidaires.
Démodynamisation
Face aux méfaits du capitalisme (accaparement des richesses et concentration de pouvoirs de décision au travail par les riches) et aux méfaits de l’étatisme (accaparement des savoirs et des pouvoirs politiques par des élites, maltraitance de la puissance publique), il y a le besoin d’une forte démodynamie (puissance populaire syndicale sur tous les fronts des injustices). Une démodynamie capable de faire changer les règles par le bas à l’échelle du monde. La démodynamie, c’est la puissance citoyenne en action permanente qui corrige les dysfonctionnements et abus de pouvoir par la mobilisation et la capacité d’interpellations conseillantes, sanctionnantes et récompensantes du Peuple.
Comme il n’y a pas de transformation sans pouvoir (sans puissance), il nous faut ériger des contre-pouvoirs locaux et globaux suffisamment forts et durables pour assurer l’évolution des règles dans le bon sens : celui d’un pouvoir plus partagé où pulsions de domination et pulsions d’amour seraient plus saines et plus équilibrés.
Comme les révolutions ont créé les démocraties libérales-capitalistes du XIXème siècle en occident, les mobilisations et actions citoyennes d’aujourd’hui devront engendrer les corrections sociales et écologiques de demain.
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