Du point de vue de l’enfant, l’amour ça paraît simple comme ça : je t’aime, tu m’aimes, nous nous aimons, un exercice tout simple de conjugaison…
Mais voilà, on sait bien, adulte, que les choses ne sont jamais aussi simples. Que la navigation sur le frêle esquif de nos sentiments est parfois plate comme un lac désertique, turbulente comme une rivière indomptable, pénible comme une erreur de destination ou périlleuse comme une chute vertigineuse où tout semble si calme sur son petit amont…
Qu’est-ce que pourrait être un amour durable et heureux ? Quel pourrait-être le b.a-ba de la navigation conjugale ?
Premier pas
Une barque ça ne s’invente pas si facilement. On nous apprend à écrire, à compter, à se dompter, à exercer un futur métier, mais on ne nous apprend pas à devenir un petit copain ou une petite copine. Pourtant, que cette dimension est vitale et importante.
Bien sûr me direz-vous l’amour ça ne s’invente pas et ça ne se calcule pas non plus. Consciemment cela est vrai, mais inconsciemment nos récepteurs biologiques et nos sensibilités psychiques travaillent en sous-marin. Ce qui fait notre attirance physique pour les traits d’un proche ou d’un idéal que l’on aime, ce qui fait notre attirance sentimentale pour des mimiques et des comportements qui nous sont bons.
Alors oui, souvent le cap est vite trouvé, je sens des papillons dans mon ventre en présence de cette personne et je la veux et je la désire…
Pourtant il est des individus qui ne sont pas « câblés » avec des circuits aussi courts et aussi directs. Et que le chemin du sentiment amoureux se révèlera avec la patience et le respect qui lui est nécessaire, et parfois cela peut-être long et au fond la mise en couple est avant tout une question de timing d’asymétrie de deux envies de ne plus être seul intellectuellement, affectivement et sexuellement.
Qu’est-ce qu’y fait que l’on peut avoir parfois le démarreur amoureux gelé ? Et bien, au delà des morales puritaines que l’on s’est vu éduquées, cela peut être un facteur génétique, on ne naît pas tous avec le même accélérateur sentimental, mais cela peut aussi venir d’un traumatisme lié à un lien affectif rompu trop brutalement par le passé, un peu comme un ligament qui cède et qui empêche toute articulation à deux…
Mais réembarquons au cœur du sujet, si nous avons quelques rudiments en séduction, le courage de l’abordage et un cœur ouvert au grand large, tout est déjà en bonne voie pour naviguer vers les affres de la liaison amoureuse !
L’accord des valeurs, des désirs et des intérêts
Lors d’une rencontre entre deux êtres désirants, ce qui va se jouer dans le fait que ces personnes en viennent ou non à s’embrasser et ainsi à sceller le pacte d’attirance respective se tient en trois choses qui seront plus ou moins étoffées au gré du contexte de la rencontre (en soirée arrosée le 1 et le 3 sont parfois largement suffisant) :
- La capacité à jouer et s’amuser ensemble.
- La capacité des individus à communiquer positivement sur leurs valeurs et à sonder habilement celles de l’autre.
- La capacité à sexualiser.
Passé cette première étape, ce qui se joue ensuite dans la continuation de la relation réside en la capacité des individus à se déjouer des obstacles suivants :
- Le tangage de l’ennui, lorsque le propulseur de la séduction et du premier baiser accentuent le plat et l’ennui de rendez-vous postérieurs où l’on ne sait pas trop quoi se dire et quoi vraiment faire. Le contre-coup de la désillusion qui fait tanguer et verser l’embarcation.
- Le barrage de la sensualité, trouver l’accès au plaisir charnel de chacun (et cela peut prendre un certain temps, des couples se trouvent parfois après de longs mois d’observation et de piétinement)
- Le naufrage de la destiné, lorsqu’il y a incompatibilité de scénarios. Car nous avons presque tous dans la tendre enfance décidés inconsciemment du type de partenaire qui « remplacera l’affection de nos parents » et qui nous emmènera vers tel ou tel horizon. Si le prince n’est pas suffisamment courageux ou avenant, la princesse pas suffisamment charmante ou intrépide, ou que le crapaud n’a pas l’âme de notre prince cela se terminera en eau de boudin…
Si l’on ne s’ennuie pas, que la sensualité est réjouissante et que la destinée va à bon port, on peut se dire confiant dans notre équipage et notre galion tout beau tout neuf !
Mais qu’est-ce qui pourrait bien nous arriver ensuite ?
L’accord du sensible et du sexuel
Une choses qui peut être déchirante dans les histoires de « cu-œur » est le désaccord que l’on peut ressentir entre une part de sensibilité et de sentimentalité qui est l’expression de notre humanité sensible d’une part et le caractère sauvage et parfois brutal de notre désir sexuel reptilien d’autre part.
Ce qui se joue ici, c’est avec quel état du moi on aime :
- Si j’aime avec mon côté « animal », je serais cru et je considérerais l’autre comme corps-objet-plaisir.
- Si j’aime avec mon Enfant, je serais aimant comme un enfant pour sa mère et inversement.
- Si j’aime avec mon Adolescent, je serais amusant et romantique.
- Si j’aime avec mon Parent, je serais normatif-protecteur et nourricier-apportant.
- Si j’aime avec mon Adulte, je rechercherais de la complicité intellectuelle et participerais à la bonne construction du couple.
Lorsqu’une de ses formes d’amour est exagérée et certaines inhibées, cela aura pour effet de déséquilibrer notre rapport à l’amour et à ouvrir la possibilité d’accueillir des conflits et des frustrations.
Dans le cas d’une opposition entre sexualité et sensibilité, ce qui se joue ici c’est un Parent normatif intérieur qui avec l’aide de notre Enfant aimant intérieur désapprouve les comportements sexuels salissant la pureté de notre humaine condition… Et dans le cas inverse où l’on ne sait pas nouer de relations affectives et que l’on stagne dans le sexuel, c’est souvent notre Parent intérieur qui désapprouve la sensibilité et qui glorifie la virilité et la séductivité.
Harmoniser nos états du Moi amoureux, est la voie vers des relations saines et de qualité, qui ne seront pas fissurées par la désillusion enfantine (l’autre n’est pas si pur) et la bêtise parentale (le sexe c’est mal).
Les pièges de la morale et du regard des autres
Parfois, l’amour et le rapprochement de deux êtres vont bon train, le cocon se noue, la relation à deux se tisse mais celle-ci est rejetée plus ou moins explicitement par les proches.
Parfois deux êtres s’unissent plus ou moins loin des conventions sociales et des pré-jugés moraux de l’époque dans laquelle ils sont embarquée. Et cela est une épreuve pour le couple encore naissant qui risque d’abandonner leur passion à la norme, leur désir à la raison, leur joie au devoir.
Même si évidement la morale existe et qu’il serait absurde de ne pas composer avec, il est des couples qui se séparent par peur vis à vis de la norme.
Notre rapport à nous-même et donc aux autres et la qualité de notre entourage est déterminant dans notre capacité à intégrer au mieux notre partenaire au sein des siens.
Le pacte de l’amour inconditionné
Voilà, si toutes ses péripéties préliminaires sont derrières vous, vous voilà tous deux au contact de l’amour « fort et fusionnel ». Etape du « tout va bien », du « qu’il fait bon vivre ensemble », « nous nous sommes trouvés ».
Ce moment est à la fois si bon et si crucial. Et il faut pouvoir rentrer ensemble dans cette bulle si précieuse de l’amour inconditionnel. J’aime profondément et passionnément ton être tel qu’il est, tel qu’il ira, quoi qu’il advienne.
Si les deux êtres ne passent pas par cela au fil du temps, il ne trancheront pas les anciens cordons affectifs qui empêcheront ce nouvel amour d’être vraiment acquis. Au delà du manque de ce « quelque chose », cela apportera de l’insécurité et donc un manque de liberté pour celui qui ne s’est pas offert avec une telle profondeur.
L’amour inconditionnel mutuel est la clé de l’autonomie et de l’interdépendance, du bonheur et de l’épanouissement des individus et du couple.
Une fois le couple lancé, voici le schéma qui vous attend. En espérant que vous serez capable d’aller au bout de chaque propensions de la relation amoureuse, jusqu’à la 5ème étape : celle du couple qui ne s’enferme pas et donc ne s’asphyxie pas.
