Qu’a-t-on à prouver ?

Vouloir se prouver à nous-même notre capacité, cela revient à dire que nous sommes des êtres ambivalents avec en quelque sorte deux nous-même… Une partie « qui vit » et une autre partie « qui se veut ». Cette volonté est rendue possible par la distinction mentale plus ou moins franche entre le réel et le virtuel, entre l’idéal et le concret, entre le présent et l’avenir.

Si nous sommes capables de nous créer et de nous réinventer nous-même, qu’est-ce qui fait que nous y soyons intérieurement contraint ?

Quel mécanisme intérieur nous pousse à nous prouver des choses ?

Pourquoi ne pas se contenter de ce qui est et de ce que nous sommes dans ce « ce qui est » ? Quelle force intérieure nous met en effort pour accoucher d’un avenir plus fort, plus beau, plus impressionnant ?

Il y a ce fameux principe d’entéléchie cher à Aristote, qui nous pousse à admettre que tout ce qui est animé, tout ce qui vit, tend à s’accomplir en force et en harmonie. Tout individu naît et croît. Où la Vie, c’est précisément « cette intentionnalité à croître et à s’enpouvoirenter »

Ainsi sommes-nous peut-être tout simplement toutes et tous portés par cet élan vital qui nous pousse à nous accomplir et à être en recherche de puissance, d’optimisation et d’amour. Mais il y a souvent dans l’ambition humaine une sorte de trouble lié à l’excès et à l’abus. Quand l’objet et l’intensité que nous mettons dans nos ambitions font défaut au second principe du développement de la vie : la nécessité de l’équilibre, du repos et du besoin d’harmonie.

La plupart des humains sont malades (en disharmonie). Soit parce qu’ils sont en panne d’ambition (car cassés par les brimades des plus forts et par les rouages de la société industrialisée ou anesthésiés par le confort), soit parce qu’il sont devenus esclaves de celle-ci… Et il y a en cela quelque chose à décortiquer du côté de notre psyché.

Un être en très bonne santé mentale aura développé une saine ambition, c’est à dire une ambition qui compose harmonieusement entre son potentiel et son actuel, entre son désir et son possible, entre son intérêt à lui et l’intérêt des autres. Un individu sain est heureux de vivre ici et maintenant, parce qu’il est bon de vivre. Un individu sain se met en mouvement en lui et avec autrui parce qu’il est bon de cultiver son bonheur à l’intérieur et de créer un bonheur qui va vers l’extérieur parmi les autres.

En fait, dans une société malade de vivre, la plupart des gens n’agissent pas dans leur profond intérêt mais agissent pour les intérêts d’autrui et se plient à l’autorité dysfonctionnelle des plus forts (nos parents, nos patrons et tous les pouvoirs extérieurs auxquels nous nous soumettons et qui participe de l’esprit de punition).

Il me semble difficile d’être solide psychologiquement sans une autorité intérieure solide, cela en nous qui nous fait penser et agir selon une ligne de conduite tournée vers la recherche rationnelle de son bonheur. L’autorité intérieure perdue est un bien précieux à reconquérir, une priorité absolue pour soi. Le seul travail qui rend vraiment libre. Le seul sport, la seule ascèse qui rend maître.

Quels liens y a t-il entre l’ambition que l’on porte et l’estime que l’on a de soi ?

Le premier, c’est le besoin affectif. En fait, le besoin d’estime de soi existe parce qu’il y a un besoin d’amour. Sinon à quoi bon être estimé ?

Le second, c’est le besoin de respect. Et derrière cette notion de respect se glisse : le sentiment de honte. Lorsque notre humanité n’a pas été suffisamment respectée, lorsque le jugement a dévalorisé l’être, alors cela crée des failles psychologiques en nous. Failles qui vont souvent en première approche tenter de se compenser dans notre extériorité et que l’on nomme syndrome narcissique en psychologie.

Plus le besoin d’affection et de respect est grand et plus l’ambition a des chances d’être grande. Ainsi une ambition excessive (qui engendre sacrifice de sa joie et de celle de son entourage) à souvent pour origine : une alienation. Les « malades d’ambition » sont des êtres qui cherchent à palier à un manque d’amour inconditionnel qu’il n’ont pas suffisamment reçu et qu’il non pas encore appris à trouver en eux. Si je m’aime inconditionnellement, je me respecte, si je me respecte, je ne compromets pas mon plaisir de vivre dans mon insatisfaction personnelle qui me fait souffrir et puis dans la satisfaction des attentes des autres qui sont désagréables pour moi.

En fait, on cherche tous à être aimés et nous vivons dans un monde et une société en carence d’amour inconditionnel. C’est cela qui est la cause racine de l’enfer sur terre. Au-delà du fait que les actes d’amour sont considérablement insuffisants pour que nous soyons pleinement heureux, ces actes et preuves d’amour sont également conditionnés. Selon notre éducation, nous aimons ceux qui, comme nous, nous font plaisir, sont forts, sont parfaits, s’efforcent ou vont vite… Ainsi, nous nous devons de faire plaisir, d’être forts, parfaits, de faire des efforts et d’aller vite. Nous sommes jugeants et punissants, nous sommes tendus et maltraitants.

Nous nous sommes aliéné.e.s.

Si nous ne réapprenons pas à nous aimer nous même d’un amour inconditionné, nous seront condamnés à être pressés par les injonctions parentales des autres, à fuir dans l’agir, la peur historique de la punition, que nous avons intériorisées et notre sur-ambition ou notre sous-ambition continuera d’exercer un malaise en nous.

8 commentaires sur “Qu’a-t-on à prouver ?

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