Yuval Noah Harari dans son excellent « Homo deus, une brève histoire de l’avenir » nous révèle l’existence de deux « moi » produits par notre cerveau.
Il y aurait un moi expérimentateur qui s’occuperait de notre bien-être dans l’instant présent en nous faisant ressentir une expérience comme agréable ou désagréable de manière à privilégier l’agréable et de se prémunir contre le désagréable.
Notre cerveau produirait aussi un moi narrateur qui s’occuperait de mémoriser des expériences sous forme d’histoires gommant au passage le routinier, le répétitif, le non intense.
C’est le moi narrateur qui aurait la prévalence sur les décisions importantes de nos vies.
Quelle en est la conséquence ? N’y aurait-il pas un intérêt à mieux écouter notre moi expérimentateur ?
Ce que fait naturellement le moi expérimentateur
Le moi expérimentateur subit ou jouit. En subissant il voudra fuir ou attaquer. En jouissant, il voudra reproduire.
Ce que fait naturellement le moi narrateur
Le moi narrateur, lui, va se raconter des histoires.
Histoires qui peuvent être des compréhensions rationnelles : j’ai mal aux dents et je vais chez le dentiste parce que même si c’est une expérience très désagréable, je sais que j’irai mieux par la suite. L’animal, ne prendrait jamais de lui même la décision d’aller chez le dentiste. Notre moi narrateur est un précieux allié qui a disrupté la condition animale pour faire advenir : la capacité d’abstraction.
Cependant cette capacité peut nous jouer des tours, quand notre abstraction nous fait penser le monde différemment qu’il l’est réellement. lorsque l’illusion s’empare de nos histoires vécues et des scénarios que l’on invente pour soi, les autres et le monde et nous fais imaginer des scénarios catastrophes…
Du sacrifice
Le moi narrateur s’est développé au travers de la socialité humaine : je dois jouer un rôle pour être aimer et pour être soigné, inclu et structuré.
Lorsque nous pensons que notre besoin d’être aimé prévaut sur notre pouvoir, nous inventerons des histoires autour de l’intérêt de la soumission.
Lorsque nous pensons que nos capacités sont en adéquation avec notre besoin de pouvoir, nous glorifierons l’indépendance.
Lorsque nous pensons que notre pouvoir prévaut sur les besoins des autres, nous voueront des cultes à la domination.
Le moi narrateur bâtit des idéaux, des principes de vies et des scénarios qui pour gagner en popularité nous font endurer efforts, souffrances et mensonges au détriment du moi expérimentateur.
Du superflu
Si nous sacrifions parfois (voire plutôt souvent) notre moi expérimentateur au bénéfices du moi narrateur et parfois de sa soif de position sociale valorisante. Nous pouvons parfois sacrifier notre moi narrateur au bénéfice de notre moi expérimentateur, qui a soif d’amour et de saveurs. Les deux existe par ce que nous avons besoins de l’un et l’autre. Le pouvoir a besoin d’amour et l’amour a besoin de pouvoir.
Malheureusement ce qui est beau et bon en soi peut-être laid et mauvais à raconter à autrui, cet autrui qui juge à l’aune de l’histoire qu’il se raconte et dans toute histoire il y a une morale. Ce que nous jouissons d’un côté peut être sanctionné socialement. Et cette sanction est douloureuse.
Mais généralement, nous ne racontons pas nos jouissances, nous racontons nos exploits, les peines endurées qui ont mené au succès, à la réussite, à notre valeur sociale. La morale de nos histoires, c’est très souvent : sois fort !
Exploits qui peuvent être des exploits de dominés : j’ai travailler dur !
Exploits qui peuvent être exploits de dominants : j’ai dominé !
Exploits qui peuvent être exploits d’indépendants : j’y suis arrivé seul !
Et bien souvent : un subtil mélange des trois selon le milieu social dans lequel nous évoluons.
Notre capacité de narration peut être un précieux allié pour notre moi expérimentateur. Mais pour cela il s’agit de changer de morale.
De l’importance du bon scénario
En Analyse Transactionnelle, le Dr Eric Berne nous a enseigné que très tôt l’enfant définie son scénario de vie. Si celui ci sera gagnant ou perdant ou entre les deux, si celui-ci sera dur ou paisible, si celui-ci sera dans la confrontation, dans le partage ou dans l’évitement.
Le moi narrateur, s’il n’est pas bousculé par la philosophie et la psychothérapie, s’appuiera tout le long de la vie sur ce scénario qui sera la colonne vertébrale de toutes ses péripéties.
A reblogué ceci sur Boycottet a ajouté:
émotion ou raison ? impossible de choisir !
https://journals.openedition.org/ress/75
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Je ne pense avoir compris chez Harari, la manière dont vous parlez du Moi narrateur. Si j ‘ai bien compris il définit le Moi narrateur comme une manière de se raconter des histoires ( auxquelles on croit) qui nous ont déterminé à prendre telle décision, alors que c’est notre cerveau qui a pris la décision. Tout se passe comme si une instance dans notre tête prenait des décisions que notre Moi justifiait APRES coup. En fait….comme si deux instances cohabitaient dans un même corps.
Il indique très clairement que cette conscience de nous même ( notre Moi) reste un mystère et je vous renvoie à ce propos à l’excellent livre de Annaka Harris, « Une brève introduction à a conscience » Qui m’a plongé dans des abimes de perplexité et de doute, venant s’ajouter aux doutes auquel m’avait confronté HARARI.
En toute humilité
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Merci Jean Claude pour votre commentaire et votre conseil de lecture. Oui il me semble aussi qu’il y est une part de ce Moi narrateur qui a tendance à s’inventer des histoires plus ou moins rationnelles mais tout le temps imaginées à rebours des décisions inconscientes que l’on aurait pris dans le passé. Mai j’ai cru comprendre en lisant Harari que le Moi narrateur nous faisait également prendre des décisions en faveur de la construction de ce que le romancier Paulo Coelho appelle « sa légende personnelle ». En toute sympathie
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