Yuval Noah Harari dans son excellent « Homo deus, une brève histoire de l’avenir » nous révèle l’existence de deux « moi » produits par notre cerveau.
Il y aurait un moi expérimentateur qui s’occuperait de notre bien-être dans l’instant présent en nous faisant ressentir une expérience comme agréable ou désagréable de manière à privilégier l’agréable et de se prémunir contre le désagréable.
Notre cerveau produirait aussi un moi narrateur qui s’occuperait de mémoriser des expériences sous forme d’histoires gommant au passage le routinier, le répétitif, le non intense.
C’est le moi narrateur qui aurait la prévalence sur les décisions importantes de nos vies.
Quelle en est la conséquence ? N’y aurait-il pas un intérêt à mieux écouter notre moi expérimentateur ?
Ce que fait naturellement le moi expérimentateur
Le moi expérimentateur subit ou jouit. En subissant il voudra améliorer. En jouissant, il voudra reproduire.
Ce que fait naturellement le moi narrateur
Le moi narrateur, lui, va se raconter des histoires au travers de la capacité d’imagination de soi, des autres et du monde, et du rôle qu’on se donne à jouer là dedans.
Cependant, cette capacité peut nous jouer des tours. Quand notre imagination nous fait penser nous-mêmes, les autres, le monde, différemment de ce qu’ils sont en réalité. Lorsque notre rôle, les responsabilités et les autorités qu’il implique ne respectent pas la quête et la célébration naturelle du Bon auquel aspire simplement et joyeusement notre moi expérimenteur.
Du sacrifice
Le moi narrateur s’est développé au travers de la socialité humaine : je dois jouer un rôle pour être aimé, inclu, stimulé et structuré.
Le moi narrateur se nourrit des histoires, morales et normes collectives pour bâtir des idéaux, des principes de vies et des scénarios, qui pour gagner en popularité nous font endurer efforts, souffrances au détriment du moi expérimentateur. Notre bonheur individuel est très souvent sacrifié sur l’hôtel de l’intersubjectivité et de la moralité humaine détournées par les intérêts des dominants.
Du superflu
Généralement, nous ne racontons pas nos jouissances, nous racontons nos exploits, les peines endurées qui ont mené au succès, à la réussite, à notre valeur sociale. La morale de nos histoires, c’est souvent : sois fort, bon, parfait ou valeureux !
Exploits qui peuvent être des exploits de dominés : j’ai travaillé dur !
Exploits qui peuvent être exploits de dominants : j’ai réussi (j’ai dominé) !
Exploits qui peuvent être exploits d’indépendants : j’y suis arrivé seul !
Et bien souvent : un subtil mélange des trois selon le milieu social dans lequel nous évoluons.
Cependant, capacité de narration et capacité de jouissance peuvent être réconciliées et s’entremêler dans une danse joyeuse et créatrice en harmonie avec nous-même, les autres et le vivant. Pour cela il nous faudra déconstruire les injonctions intériorisées et toxiques de nos actuelles et anciennes figures d’autorité.
De l’importance du bon scénario
En Analyse Transactionnelle, le Dr Eric Berne nous a enseigné que très tôt l’enfant défini son scénario de vie. Si celui ci sera gagnant ou perdant ou entre les deux, si celui-ci sera dur ou paisible, si celui-ci sera dans la confrontation, dans le partage ou dans l’évitement.
Le moi narrateur, s’il n’est pas bousculé par la philosophie et la psychothérapie, s’appuiera tout le long de la vie sur ce scénario qui sera la colonne vertébrale de toutes nos péripéties.
A reblogué ceci sur Boycottet a ajouté:
émotion ou raison ? impossible de choisir !
https://journals.openedition.org/ress/75
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Je ne pense avoir compris chez Harari, la manière dont vous parlez du Moi narrateur. Si j ‘ai bien compris il définit le Moi narrateur comme une manière de se raconter des histoires ( auxquelles on croit) qui nous ont déterminé à prendre telle décision, alors que c’est notre cerveau qui a pris la décision. Tout se passe comme si une instance dans notre tête prenait des décisions que notre Moi justifiait APRES coup. En fait….comme si deux instances cohabitaient dans un même corps.
Il indique très clairement que cette conscience de nous même ( notre Moi) reste un mystère et je vous renvoie à ce propos à l’excellent livre de Annaka Harris, « Une brève introduction à a conscience » Qui m’a plongé dans des abimes de perplexité et de doute, venant s’ajouter aux doutes auquel m’avait confronté HARARI.
En toute humilité
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Merci Jean Claude pour votre commentaire et votre conseil de lecture. Oui il me semble aussi qu’il y est une part de ce Moi narrateur qui a tendance à s’inventer des histoires plus ou moins rationnelles mais tout le temps imaginées à rebours des décisions inconscientes que l’on aurait pris dans le passé. Mai j’ai cru comprendre en lisant Harari que le Moi narrateur nous faisait également prendre des décisions en faveur de la construction de ce que le romancier Paulo Coelho appelle « sa légende personnelle ». En toute sympathie
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