Lorsque nous désirons des objets dont la conquête se fait dans la concurrence ou le combat, nos sentiments seront traversés par des signaux de récompense (fierté et jouissance de l’objet) et des sentiments de punition (déception et frustration)
La frustration est l’irritation psychologique de ne pas être à la hauteur de ses désirs conscients ou inconscients. Frustration intensifiée par la comparaison entre sa situation et celle des vainqueurs.
Les désirs sont des besoins auxquels nous relions des objets. Si nous sommes incapables d’agir sur les besoins inhérents à notre nature, nous sommes capables d’agissements au niveau des objets que nous désirons.
Nous pouvons classer nos désirs en différents niveaux, du plus déterminé au plus indéterminé, du plus autocentré au plus universel :
- Désirs issus de nos besoins physiologiques (manger, boire, être au chaud et à l’abri, dominer, se reproduire)
- Désirs issus de nos besoins affectifs (aimer et être aimé, protéger et être protégé)
- Désirs issus de nos besoins égoïques (être particulier, meilleur, estimé, admiré)
- Désirs issus de nos besoins ontiques (savourer, contempler, examiner, créer, s’affranchir, s’émerveiller)
Comme le brillant Abraham Maslow nous l’a enseigné, il y a une échelle des désirs et il faut entendre par là une priorisation naturelle qui va de la primordialité de la survie du corps sur celle de l’essor de l’esprit. Mais ce n’est pas pour autant que les besoins de l’esprit ne sont pas fondamentaux, bien au contraire, la nature humaine c’est un surplus de conscience et d’esprit dans la vie biologique et animale.
Désirer fait partie de l’activité mentale naturelle. Comme nous le propose Sénèque et le Stoïcisme : si l’enjeu de la vie humaine est de vivre en conformité avec la nature alors il ne faut surtout pas réprimer le désir qui est une forme d’expression de sa puissance.
Pour éviter la sensation de frustration, la piste la plus conforme à cette philosophie serait de générer des désirs qui produisent de l’émerveillement et non de la déception. La déception étant une attente contrariée par un « dehors » qui ne se plit pas à un désir du « dedans » : il s’agirait donc de développer un désir dont les attentes dépendent que de nous.
Dans nos attentes, il y a des niveaux d’exigences. Ceux-ci reflètent souvent notre manière de s’être accordé intérieurement sur des exigences avec nous-même. Si je me suis accordé sur le fait d’être parfait, alors j’aurais des attentes vis à vis de la perfection des autres et de ce qu’ils font. Si je dois être fort, j’aurais de l’irritation pour mes faiblesses, mes fragilités et celles de mes partenaires. Si je dois être le meilleur, je me punirai psychiquement, lorsqu’une autre personne que moi emporte l’objet de mon désir je ressentirais de la déception et de la colère envers celui ou celle « qui jouit à ma place » et qui se retournera en colère contre moi-même, domestication sociale oblige.
C’est les niveaux d’exigences irréalistes ou inadaptés qui produisent de la frustration.
Si l’on visait l’absolu, il s’agirait de placer uniquement nos attentes sur ce qui dépend uniquement de nous. Et ainsi pour les êtres humains conscient et pensant, nous ne devrions mettre nos attentes que sur :
- notre parole : je suis responsable de ce que je dis et pense – je ne suis pas responsable de ce que disent et pensent les autres.
- nos actes : je suis responsable de ce que je fais pour moi et pour les autres – je ne suis pas responsable de ce que les autres font pour eux et pour moi.
- nos émotions : je suis responsable de ce que je vis et de ce que je ressens ici et maintenant – je ne suis pas responsable de ce que vivent et ressentent les autres.
Si notre responsabilité se recentre entièrement sur ces 3 champs existentiels, alors il n’y aura, d’après cette croyance, plus de frustrations ressenties mais juste un réajustement intérieur pour réadapter notre pensée, notre comportement, nos manières de nous y prendre en fonction de tel ou tel signal.
Cette voie nécessite une haute forme de libération personnelle, car devenir responsable « juste de soi » passe par se libérer des conditionnements des autorités extérieures qui ont de l’influence sur nos désirs.
Il s’agirait donc aussi de se délivrer de nos conditionnements sociaux (quand un autre contrôle une partie de mes paroles, de mes actes et de mes émotions). Ce sont bel et bien les conditionnements qui par nature produisent de la frustration (du pouvoir-en-soi que l’on conditionne aux réactions d’autrui). Il nous faudrait alors pouvoir reconquérir toute l’étendue de notre responsabilité personnelle et lâcher la responsabilité illusoire de pouvoir contrôler directement la parole, les actes et les émotions d’autrui.
Au fond, ne s’agirait-il pas de se libérer de l’influence psychique de l’esprit de concurrence, de compétition et de domination ?